« Nous ne pourrons jamais supprimer les abjections commises au nom de l’État de droit, mais nous voulons réhabiliter les victimes », avait promis il y a quelques mois le ministre social-démocrate de la Justice, Heiko Maas. Ce mercredi, l’Allemagne a donc ouvert la voie à l’indemnisation également de près de 50.000 hommes condamnés pour homosexualité après la Seconde Guerre mondiale.
« Ils ont été poursuivis, punis et honnis par l’Etat allemand en raison de leur seul amour pour d’autres hommes », a souligné le ministre, après l’adoption dans la matinée de son projet de loi en conseil des ministres.
« Les homosexuels condamnés ne doivent plus vivre avec ce stigmate, qui a souvent détruit leur parcours professionnel et leur vie tout court », a-t-il ajouté.
Le texte doit encore être approuvé par le parlement, mais concrètement, il prévoit 3000 euros d’indemnisation forfaitaire par condamnation ainsi que 1500 euros par année de détention.
Réclamée de longue date par les Verts et les associations LGBT, la disposition était compromise du fait que les décisions émanaient d’une justice démocratique et donc pas faciles à contester.
De 1872 à son abrogation en 1994, plus de 42.000 hommes ont en effet été persécutés ou envoyés en camp de concentration, en vertu de l’article 175 du Code pénal allemand qui punissait « les actes sexuels contre nature (…), que ce soit entre personnes de sexe masculin ou entre hommes et animaux ». Sa sévérité avait été accrue en 1935 par un amendement nazi prévoyant jusqu’à dix ans de travaux forcés. Maintenu après-guerre, il conduira à 50.000 nouvelles condamnations dans la jeune démocratie ouest-allemande. Des procès qui ont eu lieu pour l’essentiel jusqu’en 1969, date à laquelle l’article 175 est revenu à sa version d’avant 1935.
En Allemagne de l’Est, la disposition avait d’emblée été rétablie dans sa première version, puis supprimée en 1968. En 1957, la Cour constitutionnelle allemande attribuait encore aux hommes homosexuels un « comportement sexuel débridé », synonyme de dangerosité sociale, assurant à l’inverse que les femmes homosexuelles étaient plus « passives ».
L’homosexualité féminine n’a en revanche jamais été criminalisée, bien que les nazis l’aient envisagé. L’argument de « l’égalité hommes-femmes » a d’ailleurs été employé après guerre par les adversaires du texte, en vain.