« Plus jamais seul » : le combat d’un père pour son fils, victime d’un meurtre homophobe (VIDEOS)

En juillet 2012, après sept ans de navette parlementaire et une nouvelle agression d’homosexuel, battu à mort dans un parc, prétendument surveillé, de la capitale Santiago, le Congrès chilien adoptait une loi anti-discriminations, votée dans l’urgence et en souvenir de la victime, « Daniel Zamudio », décédée après trois semaines d’agonie.

On l’avait découvert à quelques mètres d’un commissariat, visage et corps mutilés par les coups, brûlures de cigarettes, avec des croix gammés sur son dos et poitrine, tailladées au goulot d’une bouteille qui avait précédemment servi à lui fracasser le crâne.

Une séance de torture de six heures, abreuvée par l’alcool et détaillée par les meurtriers, un groupe de marginaux, néonazis présumés, appréhendés après une campagne d’appel à témoins lancée par les parents du défunt. Le jeune homme était un « gay », en état d’ébriété, ils en ont profité et se sont acharnés.

Le principal inculpé, Patricio Ahumada Garay, sera condamné en 2013 à perpétuité, après avoir tenté une grève de la faim pour protester contre le jugement qu’il estimait « abusif ». Les deux autres ont écopé de 15 ans ferme et le plus jeune, âgé de 19 ans, emprisonné pour 7 ans.

Des peines considérées comme « exemplaires » et une « première » dans un pays où « les thèmes comme la discrimination n’apparaissaient tout simplement pas dans le débat public. Tout a été très rapide, après tant d’années de sur-place », a commenté le journaliste Oscar Contardo, auteur d’un livre sur l’histoire de l’homosexualité au Chili.

Une semaine avant le verdict, Wladimir Sepulveda, 21 ans, était transporté dans le coma aux urgences, après avoir été tabassé par un groupe de jeunes, lui aussi, parce qu’il était homosexuel. Les services hospitaliers ont déclaré des lésions légères, tandis que la police enregistrait les plaintes de ses assaillants.

Les funérailles de Daniel ont réuni des milliers de Chiliens s’indignant du législateur conservateur et « complice », qui rechignait à s’engager dans des mesures concrètes pour lutter contre l’homophobie, craignant qu’elles ne soient « l’antichambre » d’un projet d’égalité ouvrant le mariage aux personnes de même sexe.

Une tragédie que vivra intimement le réalisateur Alex Anwandter, qui s’en est inspirée pour retracer dans « Plus jamais seul » (Nunca vas a estar solo), le cheminement du père de Daniel, Juan, « tour à tour aveuglé et révélé, apprenant enfin à aimer son fils dans sa différence ».

« J’avais le désir d’écrire cette histoire en m’éloignant le plus possible de la réalité, je ne voulais surtout pas faire une biographie », explique-t-il. Les personnages n’ont pas de nom de famille et la ville de Santiago est elle-même réinventée. « Créer une fiction à partir d’un épisode réel permettait d’ouvrir la discussion. » La première partie du film revient ainsi sur la vie du jeune homme et la seconde se consacre à l’après et traumatisme.

« Avoir un homme d’âge mûr, hétérosexuel, comme personnage principal a le mérite de faciliter l’identification du plus grand nombre et de mettre en lumière les préjudices de cette violence quotidienne », insiste le cinéaste. « Je rejette l’idée de me focaliser sur certains épisodes ou sur les détails « juteux » d’une attaque spectaculaire. Parce que la discussion s’arrêterait là. Et je ne veux pas que le film se termine à cet instant. Il continue, survit à cette violence. Le monde n’a pas changé après l’agression de cet adolescent. Il nous reste à voir ce qui a changé dans le monde du père après ce traumatisme. » L’objectif : « ne pas faire de son héros qu’une victime, mais le montrer plein de vie. »

Mais si Alex Anwandter n’est pas adepte de la violence au cinéma, « confronté au dilemme », il a néanmoins choisi de mettre en scène l’agression de Daniel dans toute sa brutalité, « le film ne pouvait pas se permettre de détourner le regard, ça n’aurait pas été digne. »

La première mondiale a lieu en février 2016 à Berlin où il a été sélectionné dans la catégorie Panorama. Lauréat du jury au Teddy Awards, le film remportera ensuite les prix SANFIC’S et FICGUADALAJARA Work in Progress au Mexique, et sort en France le 3 mai prochain.

Terrence Katchadourian
stophomophobie.com