Il a contacté notre association, il y a quelques jours, après avoir été agressé sur les réseaux. Il souhaitait également que notre équipe intervienne dans son collège. Il a 15 ans ce 17 mai et confie avoir « peur pour son avenir ». Nous lui avons proposé de partager son témoignage.
« Je suis homosexuel. Je l’ai réalisé début janvier 2017. Je suis tombé amoureux d’un garçon. J’avais subi quelques moqueries pour mes « manières efféminées ». J’ai été rejeté par certains dans mon collège aussi. Je me souviens d’un groupe de filles, il y a trois ans, qui me qualifiait souvent de PD. Je savais vaguement que c’était une injure. J’ai fini par comprendre qu’on m’attaquait en raison de mon orientation sexuelle. J’assume totalement. Aucun souci pour évoquer le sujet aujourd’hui, même si je n’ai pas fait de franc « coming-out ». J’en avais parlé à un ami. D’autres ont « entendu » et « l’info » s’est répandue. J’ai ensuite présenté mon petit ami à mes parents, sans appuyer notre relation. Ça s’est fait tout seul. Je leur ai dit que j’en étais amoureux.
Je sais que la plupart des ados LGBT se « cachent ». Je n’ai pas eu ce problème. D’où l’importance pour moi de témoigner. J’ai des amis qui en souffrent. Ils ont peur, des réactions de leur entourage, famille. Beaucoup ont été victimes de harcèlement, violences… C’est inadmissible. Nous ne sommes plus au moyen-âge. Mais comment dénoncer ?
Il y a quelques jours, je suis intervenu en commentant un poste sur Twitter qui m’avait interpellé. L’utilisateur avait partagé une image de nouveaux émojis Apple représentant des personnes handicapées, avec sournoisement inclus dans le lot, un drapeau LGBT. J’ai immédiatement été pris pour cible, arrosé d’atrocités.
« T’as 15 piges et tu milites, t’as vraiment pas de repères mdr » et « si tu souhaites avoir un mec dans ton lit, c’est que tu as une maladie » ; « Mêlez-vous la bite entre vous surtout ouais », mais « un couple c’est un homme et une femme pas autrement ». ‘Tant que les pd ne me touchent pas la bite, ça me va mdr. »
Je ne savais pas qu’un humain pouvait tenir de tels propos. Il y en a eu d’autres, mais pour moi c’était déjà suffisant. J’y ai passé du temps pour tous les signaler et le réseau a suspendu temporairement des comptes. Mais le poste initial, repartagé par des milliers d’internautes, n’a pas bougé, comme beaucoup d’autres de ces messages.
Il y a quand même eu, heureusement, des gens qui m’ont exprimé leur soutien. Mais je ne peux pas nier que j’ai été vraiment choqué de constater qu’en 2018, dans un pays comme la France, on puisse lyncher des personnes pour des questions d’orientation sexuelle ou identité de genre. Vais-je moi aussi me faire agresser un jour, au lycée, dans la rue ? Je commence à m’en inquiéter. Surtout quand j’observe l’âge des agresseurs. Et lorsque je serais indépendant, vais-je pouvoir vivre pleinement ma vie sans me méfier de tout, arrêter d’entendre ces horreurs, toute cette haine contre les LGBT ? Très franchement, j’ai parfois l’impression d’être Martin Luther King Jr, ou d’être au 18ème siècle.
J’ai vu que tout le monde s’indignait après coup. Mais pourquoi ne pas prévenir toutes ces agressions, en sensibilisant depuis la source, l’école ? Dans ma classe, il y en a qui ne comprennent pas qu’on puisse être attiré par une personne du même sexe, que c’est une maladie. J’ai souvent l’argument du « on ne peut pas se reproduire, c’est contre nature ». Qui pour leur expliquer ? Et sur la question des maladies sexuellement transmissibles, notamment le VIH, si je n’avais pas fait mes propres recherches, à part le préservatif et entendre dire que c’est grave, je serais comme beaucoup dans le flou. Je me suis renseigné, heureusement, et maintenant j’en sais un peu mieux, déjà sur les conséquences du virus sur l’organisme, ou que le SIDA était le dernier stade de l’infection. J’ai entendu tellement de bêtises et de désinformations dans l’enceinte du collège. « Si tu le touches tu l’as ! ». Comme si le virus se transmettait par simple contact physique ?! En 4ème et 3ème, c’est certain, nous ne sommes pas bien informés. Et si tout le monde se cache, les choses ne risquent pas de s’améliorer pour personne. Mais qui pour écouter un jeune de 15 ans ? Je n’ai jamais eu l’occasion de rencontrer de ministres en visite dans mon école. Pourtant, j’avoue avoir des recommandations. Ce serait formidable de rencontrer et pouvoir échanger avec la secrétaire d’État à l’Égalité femmes-hommes Marlène Schiappa, ou encore Jean-Michel Blanquer. Et puis, au risque de me répéter : Si l’on ne sensibilise pas le plus rapidement possible, comment changer les mentalités ?
Je répondrai à toutes les personnes qui le souhaitent. Merci d’avoir pris le temps de me lire. Et Madame Schiappa, ce serait vraiment un honneur. Vous pouvez me contacter via STOP homophobie. »
Bon anniversaire Nicolas.