L’homophobie ce n’est pas seulement quelqu’un qui crie « à mort les PD », mais des millions d’existences contraintes (VIDEO)

Devant la multiplication des agressions anti-LGBT et le défouloir sur les réseaux, Baptiste Beaulieu, médecin, romancier et engagé, a publié un témoignage, en dépit des injures qu’il reçoit par dizaines, pour encourager les plus jeunes et rappeler que « l’homophobie c’est aussi des millions de petits bonheurs universels gâchés, de destinées retardées… »

« J’aurais voulu avoir un amoureux. Au primaire, au collège, au lycée. Avoir une belle histoire », dit-il. « J’aurais voulu avoir droit à ça. Les mots qui s’échangent sous les tables. Le cœur qui bat plus fort. Les secrets qu’on garde à table, quand on vous pince la joue en vous demandant si on a une amoureuse. J’aurais voulu profiter de ma jeunesse. Ne pas tricher toutes ces années. Ne pas mentir. Ne pas faire semblant. Être qui je suis plus tôt. L’être et l’être heureux. Fier. Et montrer l’étendue des talents que me confère cette identité. Ma sensibilité. Ma joie de vivre. Mon envie folle d’écrire. »

Mais l’homophobie ce n’est pas seulement quelqu’un qui crie « À mort les PD ! ». C’est aussi « des millions d’existences contraintes, de petits bonheurs universels gâchés, de destinées retardées. Des millions de gens qui ont vécu, vivent, et vivront une autre existence que la leur, une autre vie que la leur, qui marcheront à côté d’eux-mêmes, qui passeront à côté de ce que, au fond, ils étaient destinés à connaître, à aimer, et chérir, et jouir. Ce que nous voulons toutes et tous. Une vie à nous. Une vie qui nous ressemble et nous appartienne. L’homophobie, la lesbophobie, la transphobie, c’est d’abord des ombres et des millions de vies ratées. »

Baptiste est gay. « J’ai accepté qui je suis et je suis heureux avec cette personne. » Mais il aurait voulu « ne pas me contraindre, ne pas faire semblant pour être « comme les autres ». Ne pas faire souffrir mes parents parce que j’étais malheureux et refusais de dire pourquoi. J’aurais voulu être moi plus tôt. Avoir ce que les autres avaient. Ne pas rire quand j’entendais des blagues méchantes visant celles et ceux qui avaient mille fois mon courage d’être ce qu’ils étaient, sans honte, avec fierté. »

Et il envie « ceux qui pensent que cela n’a pas à être dit, que l’affirmation d’une orientation sexuelle/identité de genre relève de quelque chose de personnel », poursuit-il, « car ils ignorent la violence qu’il y a à vivre dans un monde où votre différence est au mieux passée sous silence ou moquée, au pire combattue, psychiatrisée comme aux États-Unis, frappée comme en France, emprisonnée comme en Tunisie, ou déportée dans des camps comme en Tchétchénie. Ces gens qui ignorent le courage qu’il faut pour accomplir un geste aussi anodin que tenir la main de la personne qu’on aime dans la rue. »

« Qui va me rendre ces années perdues ? Ce qui aurait pu être et n’a jamais eu lieu ? »

Alors s’il a choisi de se confier « sur quelque chose que d’aucun considère comme relevant de la vie privée », c’est parce qu’il souhaite dire à celles et ceux, qui comme lui auront eu peur, qui « ont mal comme j’ai eu mal » : « Tu as le droit de t’aimer comme tu es, tu as le droit de vivre fièrement avec celui ou celle que tu aimes, tu as le droit d’exister sans honte, sans culpabilité, tu as le droit de revendiquer ton identité et ta place dans ce monde. »

« La vocation des coming-out n’est rien moins que la visibilité et l’acceptation totale et sans condition d’au moins 5% de la population humaine ». Environ 3 millions de personnes donc en France. Et « ce jour viendra. Alors nous n’aurons plus à sortir du placard, parce qu’il n’y aura plus de placard. »