Christine Boutin vs Frigide Barjot : la guerre invisible des opposants au mariage gay

En vérité, cette saillie, qui a déjà été invoquée par les plus fervents opposants au mariage pour tous (Eric Zemmour le premier) n’a en soi aucune espèce d’importance. C’est une posture de pharisien, un mensonge déjà dit et déjà répété, mais qui ne deviendra jamais vérité parce qu’il ne joue sur aucune peur, n’agite aucune crainte et n’éveille aucune angoisse. Se servir de l’adoption et de la PMA comme de spectres effrayants pour attiser les haines contre le mariage gay, et contre coup tous les homosexuels, c’était autrement plus fin.

Le tempo selon Barjot

Plus personne n’écoute Christine Boutin. Désormais, c’est Frigide Barjot qui décide et dicte le tempo. Et l’on aurait bien tort de s’en réjouir dans le camp des partisans du mariage pour tous, car en dépit des apparences, c’est un bien mauvais symptôme.

La provocation de Christine Boutin mérite en effet d’être relevée dans la mesure où elle est le signe d’un profond bouleversement du rapport de forces politiques au sein de la nébuleuse hostile au mariage pour tous. Il y a bel et bien eu guerre d’influence, elle a été perdue par l’ancienne ministre de Sarkozy.

Souvenez-vous : lors de la rentrée de septembre, quand le débat s’est engagé, les télévisions et les radios, par confort autant que par facilité, s’empressèrent d’inviter Christine Boutin en tant qu’opposante de principe au mariage gay. À l’époque, l’affaire semblait pliée d’avance, les sondages étaient ultra-favorables, les opposants terrés de peur de passer pour réactionnaires et ridicules. Dans ce contexte, Christine Boutin, incarnation de l’antique grenouille de bénitier à la française, starisée depuis 15 ans grâce à ses passages réguliers dans les émissions de Laurent Ruquier, était incontournable.

frigide barjot - humoriste catho-brancheeÀ la mi-octobre, Frigide Barjot est entrée dans la ronde médiatique. Après des années d’un inlassable combat favorable à l’Église catholique, après bien des démonstrations pour établir sa capacité à communiquer, mobiliser, entraîner et galvaniser des troupes (ce que l’institution Église n’était plus en mesure de faire), l’humoriste catho-branchée s’est imposée au point d’y supplanter Christine Boutin, tant sur le fond que sur la forme.

Sur le fond, c’est Frigide Barjot qui a réussi à opérer le déplacement du débat en mettant en avant les parties du dossier susceptibles d’inquiéter, d’affoler et d’effrayer : l’adoption, la PMA, la disparition des mots « père » et « mère » du Code civil. Elle a aussi beaucoup menti dans son genre (entre autres en usant de la légende « Parent 1 » et « parent 2 »), mais elle l’a fait en déployant des arguments capables de toucher la masse sensible à la cause des enfants, même lorsque celle-ci est présentée de façon truquée ou dévoyée.

Boutin a raté le coche

Si ce discours a fait mouche, certains partisans du mariage pour tous n’ont qu’à s’en prendre qu’à eux-mêmes, ayant réduit bien souvent la question à ce qu’elle ne devait pas être, la reconnaissance par l’État de l’amour homosexuel dans le Code civil. Ce fut une erreur. Au contraire, il aurait fallu, d’entrée de jeu, le faire reposer sur des questions de droit, notamment en excipant de la situation souvent absurde et injuste qui est celle des enfants déjà nés et/ou élevés au sein de couples de même sexe.