A trois jours de sa démission, le pape Benoît XVI a autorisé lundi les cardinaux à avancer le conclave qui élira son successeur, dans une ambiance empoisonnée par la démission d’un cardinal britannique soupçonné de comportement indécent et les miasmes du scandale Vatileaks.
Selon la Constitution apostolique, un conclave peut s’ouvrir entre 15 et 20 jours après le début de la période de « siège vacant ».
Mais à trois jours de son départ volontaire, un événement historique et quasiment inédit en 2000 ans d’histoire de l’Eglise catholique, Benoît XVI a édité un décret (motu proprio) permettant d’anticiper ces délais.
Les cardinaux, réunis « en congrégations » à partir du 1er mars, pourraient donc avancer l’ouverture du conclave qui normalement ne pouvait commencer avant le 15 mars. D’autant que nombre d’entre eux seront déjà à Rome pour assister mercredi à l’ultime audience publique de Joseph Ratzinger devant la foule réunie Place Saint-Pierre.
A moins qu’ils ne décident au contraire d’éviter toute précipitation et de mettre les problèmes sur la table avant d’entrer en conclave, l’Eglise traversant une période particulièrement troublée.
Lundi, le prélat d’Ecosse, le cardinal Keith O’Brien, a démissionné de son poste d’archevêque et décidé de ne pas participer au conclave. Remarqué pour des déclarations favorables aux gays mais en même temps connu pour une opposition frontale au mariage homosexuel, ce cardinal est accusé par trois prêtres et un ancien curé de « comportements indécents », selon le journal britannique The Observer paru dimanche.
« Je ne me rendrai pas au conclave », a déclaré Keith O’Brien, seul Britannique à pouvoir voter au conclave. « Je ne souhaite pas que les médias se focalisent sur moi à Rome, mais plutôt sur le pape Benoît XVI et son successeur », a-t-il expliqué.
La démission de Mgr O’Brien intervient alors que les derniers jours du pontificat de Benoît XVI sont agités de spéculations sur les motifs du départ du pape et de polémiques sur la participation de certains cardinaux au conclave.
Des associations de victimes d’abus pédophiles font ainsi campagne contre la venue à Rome des cardinaux Roger Mahony (Los Angeles), Sean Brady (Irlande) et Godfried Daneels (Belgique), leur reprochant d’avoir couvert les crimes sexuels de prêtres ou de religieux de leurs diocèses.
Les médias italiens se sont aussi fait l’écho d’intrigues qui auraient poussé le souverain pontife de 85 ans à renoncer à sa charge. Ainsi, selon Repubblica et Panorama, l’enquête ultra-secrète confiée à trois cardinaux après l’éclatement du scandale Vatileaks aurait mis au jour l’existence d’un « lobby gay » à la Curie qui serait victime de chantage dans un scandale mêlant sexe, finances vaticanes et carriérisme.
Pour le Saint-Siège, selon lequel toute l’affaire des fuites de documents confidentiels Vatileaks est close depuis la condamnation du majordome du pape en septembre, ces allégations sont « des informations fausses » visant à « conditionner » le futur conclave.
L’Américain Greg Burke, conseiller de communication de la Secrétairerie d’Etat, a jugé lundi que les médias « peuvent essayer » d’exercer une influence sur le prochain conclave, et « certains peuvent être vraiment odieux ».
Benoît XVI, qui a reçu lundi les trois cardinaux chargés de cette enquête parallèle, a décidé que leurs conclusions resteraient secrètes et « à la disposition exclusive » du nouveau pape. Mais cela n’empêchera pas ses auteurs d’en évoquer la teneur avec les autres cardinaux pendant leurs rencontres « en congrégations » avant le conclave.
Il est normal, a expliqué le porte-parole du Vatican, le père Lombardi, que « les cardinaux se conseillent et s’aident à comprendre les situations ».
Les trois cardinaux pourront donc, s’ils le désirent, donner « des éléments utiles pour l’évaluation » de celles-ci, mais « sans mettre le texte à disposition » des autres.
Preuve que le Vatican, qui a assuré son souci de « transparence » dans cette affaire, reste soucieux de contenir autant que faire se peut les résultats de cette investigation: les participants sont soumis à un « serment » de ne rien divulguer à l’extérieur.