« Léa, 12 ans, gazée le 24 mars. Théo, 14 ans, gazé le 24 mars. » Voilà ce que les affiches des anti mariages pour tous nous donnent à lire, accompagnées du tracé morbide d’un corps, à la craie.
Les prénoms sont jeunes, innocents, pour donner une identité à la « victime », pour que vous vous sentiez proches d’elle. C’est un appel au pathos de base.
L’âge renvoie à une pré-ado, à un adolescent; sont-ils des victimes innocentes de la barbarie? Non. Il s’agit de victimes, oui, mais pas de la barbarie, il s’agit d’enfants emmenés par leurs parents à une manifestation, contre les droits d’une partie de la population, d’enfants instrumentalisés par leurs géniteurs. Ils ne sont ni Gavroche, ni des enfants syriens pris entre deux feux. Et, qui sait, plus tard, s’ils sont homos ou trans, réaliseront-ils que leurs parents avaient défilé contre eux.
Gazé. Cet adjectif renvoie explicitement à de sombres périodes de notre histoire. Je songe aux soldats gazés en 14-18 dans les tranchées, saignant, brûlant de l’intérieur, et dont Jean Rouaud et Denis Deprez nous ont fait une terrible description dans « les champs d’honneur »: c’est » l’intolérable brûlure aux yeux, au nez, à la gorge, de suffocantes douleurs dans la poitrine, une toux violente qui déchire la plèvre et les bronches, amène une bave de sang aux lèvres, le corps plié en deux, secoué d’âcres vomissements ». Je songe aussi , bien sûr, comme vous, comme les auteurs de ces affiches, à l’extermination systématique et froidement calculée des Juifs par les Nazis. Et c’est cela que les antis veulent salir, cette souffrance sans nom, quand il ne s’agit ici que de parents irresponsables, forçant les barrières d’une avenue, interdite par le préfet pour des raisons logiques. Les antis ont entraîné leurs enfants avec eux, voire les ont mis devant, pour recevoir du gaz lacrymogène, sans commune mesure avec ce que nous devons retenir de l’Histoire.
24 mars. Les victimes décharnées des camps, les fantômes d’Auschwitz, dont Primo Lévi ( « si c’est un homme ») ou Elie Wiesel, dans « la nuit », ont tenu à témoigner, malgré l’aigreur des souvenirs, pour la mémoire, n’ont pas de dates, eux. Pour les Juifs, les tziganes et les homosexuels gazés, il n’y a ni date précise, ni corps, rien.
Alors, maintenant, après avoir vu les affiches des antis, vous pouvez vomir. Je ne les mettrai pas ici, je montrerai juste ce que j’imagine être la tristesse d’une séparation, causée, qui sait, par l’ homophobie, et une haine aveugle, qui détournent l’Histoire, pour servir l’intérêt des intolérants. Ceux-ci profitent du malaise et de l’angoisse de la société, pour faire resurgir des peurs ne pouvant mener qu’aux mêmes effets néfastes qu’autrefois.
Christelle V.
Avis aux homophobes le vaccin anti-cons est lancé.