Le Refuge : Nicolas Noguier n’avait « personne à qui parler » de son homosexualité.

En souvenir de ce terrible « isolement », il a fondé en 2003 à Montpellier l’association Le Refuge, une action qui lui vaut aujourd’hui d’être élu « jeune citoyen remarquable » par une ONG américaine partenaire de l’Onu.

« Je suis ému! »: c’est par un message tout simple, à son image, qu’il annonce par textos à des proches la bonne nouvelle, tombée le week-end dernier.

Début novembre à Rio de Janeiro, il sera le seul Français parmi les 10 heureux lauréats TOYP (« Ten outstanding young persons of the world ») sur 150 candidats, à être récompensé par la Jeune chambre internationale (JCI), pour son travail « pour l’égalité des droits humains et la sensibilisation du public aux problématiques des personnes homosexuelles ».

Dans les locaux de l’association, des affiches résument la raison d’être du Refuge: venir en aide aux jeunes comme « Romain, 18 ans, chassé du domicile familial parce qu’il est homosexuel ».
Nicolas Noguier, 36 ans, n’a « pas connu le rejet familial », mais « les remarques et les insultes », si. Originaire du village de Saint-Thibéry (Hérault), près de Béziers, il a grandi dans un milieu rural. Avec « un sentiment d’isolement par rapport à mon homosexualité que je n’acceptais pas forcément », confie-t-il.

« Sans structures vers lesquelles se tourner », il s’enfonce dans le mutisme, se réfugiant après le baccalauréat dans ses études d’économie. « Une période très difficile qui atteint son paroxysme » quand il tente de mettre fin à ses jours, à l’âge de 22 ans. Un risque qui, précise-t-il en citant des études médicales récentes, se révèle treize fois plus élevé chez les jeunes gays que chez leurs pairs hétérosexuels.

« J’anticipais de la part de ma famille une réaction négative. En fait cela a été une délivrance de ne plus avoir à se cacher », raconte avec pudeur ce grand garçon à l’abord réservé.
« Il était très mal avant de nous le dire », se souvient sa mère Marie-José, qui évoque avec fierté son engagement pour l’association. « Il le fait tellement avec son coeur, il est toujours en train de parler du Refuge et de ces enfants rejetés », poursuit-elle, décrivant quelqu’un de « très affectueux et timide ».

Des nuits consacrées au Refuge
Pour éviter aux jeunes homosexuels d’endurer une telle expérience, le Montpelliérain a l’idée de créer une association qui leur serait réservée. « J’avais entendu parler d’un projet similaire à Manchester, j’ai contacté des travailleurs sociaux qui m’ont expliqué qu’ils ne savaient pas comment aller vers eux, appréhender leur souffrance. Ce constat d’un vide social m’a donné des ailes pour avancer », dit-il.

La structure voit le jour en 2003, les premiers jeunes sont hébergés dans un hôtel à Montpellier en 2005, puis dans des appartements en location, et l’aventure prend une ampleur inattendue.
Le Refuge, il y consacre ses nuits après son activité professionnelle au sein de l’Agence régionale de santé, où il est responsable de la cellule personnes âgées. « Je ne dors pas beaucoup », glisse-t-il, « mais cela permet de faire une coupure car il est difficile de voir autant de souffrance ».
« Il s’investit beaucoup, il est devant l’écran à deux heures du matin pour remercier les adhérents, améliorer sans cesse l’action menée », confirme le directeur général de l’association, Frédéric Gal, son compagnon dans la vie depuis sept ans.

Tous deux veillent à être à l’écoute de ces jeunes en détresse qui peuvent les joindre à toute heure, explique-t-il, refusant que Le Refuge, au budget de 750.000 euros, devienne « une grosse machine », sans âme.
Pour Nicolas Noguier, ce prix qui lui sera décerné à Rio sonne comme « une belle reconnaissance après dix années d’engagement » qui ont contribué, espère-t-il, à faire « évoluer le regard de la société » sur l’homosexualité. Prochaine étape: « faire connaître l’association au-delà des frontières ». La Suisse, la Belgique et l’Angleterre sont intéressées.

Avec AFP