A 25 ans, ce jeune homo a trouvé refuge à Alfortville

C’est la première fois qu’il accepte de se livrer aux médias. En 2009, Sylvain* est venu se réfugier en France après avoir quitté son pays d’origine, Madagascar. En fuyant, il s’est éloigné de sa famille, des insultes et des menaces liées à son homosexualité. D’abord accueilli dans une structure d’hébergement provisoire du Refuge, Sylvain vient d’emménager dans un studio, à Alfortville.

Le projet, signé l’été dernier par la ville, le Refuge et le Relais 94, s’engage à mettre quatre appartements à disposition de jeunes en souffrance, hébergés par le Refuge. Le dispositif est une première en France et Sylvain est le premier à pouvoir en bénéficier. Il nous raconte.

L’enfance

Sylvain grandit à Madagascar. Après le décès de son père, mort assassiné, et le départ de sa mère en Suisse, il est hébergé chez une tante jusqu’à sa majorité. En 2008, au cours de vacances helvétiques, il rencontre son premier petit copain. Ensemble, ils reviendront à Madagascar.

Le rejet

« Quand ma famille m’a vu avec un homme blanc, leurs soupçons se sont éveillés. Au début, j’ai nié. J’envoyais même des photos à ma mère où j’embrassais une fille, pour la rassurer. Mais une de ses amies m’a croisé sur un marché et j’ai fini par avouer. Depuis, je n’ai quasiment aucune nouvelle d’elle. A Madagascar, personne ne m’adresse la parole. »

La souffrance

L’aveu est un soulagement mais c’est à ce moment-là que Sylvain souffrira le plus. « J’ai pensé plusieurs fois au suicide. Ça aurait été plus simple que de faire pleurer ma mère. A Madagascar, il n’y a pas les mêmes structures qu’en France. En perdant le soutien de ma mère, j’étais à la rue. »

La fuite

Livré à lui-même, il décide de quitter le pays. Son compagnon de l’époque lui paye un billet pour Paris et un visa de trois mois. Peu après son arrivée dans la capitale, les deux hommes se séparent et Sylvain trouve refuge en Bretagne, chez une cousine. Pendant un an, elle est sa seule famille. Alors que son visa expire, sa demande d’asile est refusée. Il est alors menacé par une obligation de quitter le territoire français.

Le Refuge

En 2011, Sylvain obtient un statut de réfugié et une carte qui lui permet de rester en France pour les dix prochaines années. A son retour de Quimper, il contacte le Refuge et pose ses valises dans un des centres d’accueil de l’association, à Paris. Pendant un an, il vivra en colocation avec d’autres homosexuels, eux aussi chassés de leur domicile.

Le mariage gay

« C’est un très beau projet mais je n’ai jamais manifesté pour l’adoption de la loi. Dans le collège où je travaillais, le mariage gay était souvent au centre des discussions. Mes collègues avaient un avis très sévère sur la question, je n’aurais pas apprécié qu’ils en sachent plus sur mon homosexualité. »

La renaissance

« Le Refuge m’a beaucoup aidé, mais c’était très contraignant et instable. Il y a un couvre-feu tous les soirs et certaines personnes ne restent parfois que quelques jours. » En décembre dernier, Sylvain entend parler de l’initiative d’Alfortville. La municipalité, en partenariat avec le Refuge et le Relais 94, met quatre appartements à disposition de jeunes homosexuels en détresse. Sylvain propose sa candidature. Après un passage en commission, son dossier est accepté. « Une première marche vers l’autonomie, pour leur redonner goût à la vie », explique-t-on au cabinet de Luc Carvounas, sénateur-maire (PS) de la ville. Depuis le 21 juin, Sylvain dort dans les 32 m² de son nouveau chez-lui. L’année prochaine, si tout se passe bien, il pourra devenir le propre bailleur de son studio. « Je me sens enfin libre », soupire-t-il.

Les projets

Cette année, Sylvain fera sa première demande de naturalisation. En septembre, il va commencer une formation à Créteil pour devenir éducateur. L’achat d’un frigo figure en tête de liste de ses projets à court terme. « Ça devient urgent ! » plaisante-t-il, d’un rire franc et communicatif. A mille lieues des galères précédentes. Alfortville lui offre un nouveau départ, il s’estime « chanceux ». Mieux encore, il est affirmatif : « Je suis heureux. »

* Le nom a été changé.

ANNE-SOPHIE BERNADI