A Alès dans le Gard : Il « fracasse » sa fille en plein dîner parce qu’elle est homosexuelle

Suite à un « imprévisible » concours de circonstances, arrivées en train « un peu en transit pour une nuit » avec ses amies dans la ville où résident ses parents, Nathalie, va leur proposer de rester dormir dans la maison familiale. L’occasion pour cette jeune maman d’une petite fille de 5 ans, de franchir le pas en leur présentant sa compagne.

« Comme dans toutes les familles, ce devait être une soirée chez les grands parents ! »

Elle prévient donc sa mère, puis son père, qui viendra d’ailleurs les récupérer à la gare. Mais dès le début la situation semble compromise. Pas un seul regard échangé, si ce n’est un certain malaise, malgré tous les efforts : « Il ne nous a pas regardé une seule fois dans les yeux », explique Caroline, la partenaire de Nathalie. « On était gêné d’arriver à l’improviste et j’avais réussi à trouver des fleurs pour l’occasion. J’ai tout de suite senti la tension. Mais, en général, les gens qui sont surpris par mon apparence finissent pourtant par m’apprécier, dès lors que l’on prend le temps et discute ensemble. Le souci ici, c’est que la personne que j’avais en face de moi n’était pas en état d’entendre, ni de comprendre, et ses préjugés se sont transformés en obsession ».

Les trois femmes vont pourtant passer une agréable fin d’après-midi, au bord de la piscine, « avec la petite qui jouait avec nous », confie Caroline qui s’est prise à rêver : « je me suis dis que ma compagne avait de la chance d’avoir une famille aussi douce. Sa maman était plutôt « discrète », un peu « effacée » mais tellement gentille. Son père, au premier abord glacial, m’apparaissait pourtant attendrissant devant sa petite fille. Et, l’endroit était idyllique. Le genre d’images paisibles que l’on apprécie, parce qu’elles sont pures.
Mais, j’étais à des millions d’années à cette seconde d’imaginer ce qui allait arriver dix minutes plus tard ».

Effectivement, « rentré bien éméché de son travail », autour du barbecue, le papa de Nathalie ne va plus cesser de « vanner » sa compagne : « Il me parlait sans cesse de mes tatouages », indélicats pour une jeune fille. « Il m’a gratiné sur mon nom d’artiste, avec toujours des allusions déplacées, misogynes ou franchement homophobes… Mais je laissais couler. J’espérais passer une bonne soirée et non pas faire des esclandres chez les parents de la personne que j’aime ».
Mais au bout d’un moment, devant la violence des remarques de son père, Nathalie va finalement proposer de reprendre la conversation après une bonne nuit : « On affiche pas non plus le pedigree de sa famille en invitant ses amis », souligne Caroline, « mais j’ai bien compris que son père souffrait d’un problème d’alcoolisme. Inutile donc d’envenimer la situation. Et, j’ai acquiescé un peu à toutes ses réflexions pour ne pas l’irriter davantage ».

Mais le commentaire de Nathalie passe mal. Et lorsqu’elle voudra se lever de table, tout va s’enchaîner trop rapidement.

« Son père lui a sauté dessus en la saisissant à la gorge. J’ai essayé de m’interposer mais il m’a repoussé, avant de lui asséner un coup de tête, en lui fracassant le nez. » La mère de Nathalie a heureusement réussi à lui faire reprendre raison quelques secondes, lui faisant remarquer que sa petite avait tout entendu et qu’elle pleurait ». Et, profitant de cette brève accalmie, Caroline va s’enfuir, entraînant sa compagne de l’autre côté de la maison.
Mais voilà, le portail est fermé et malgré les supplications le papa de Nathalie revient à la charge : « Il s’agissait absolument de le calmer. J’ai supplié ma compagne de ne plus lui répondre, tout en continuant à marcher, de façon à ce qu’il ne puisse pas nous « coincer ». Je lui demandais sans cesse de nous pardonner, lui donnant raison, lui expliquant que tout était de notre faute… Et, à force d’insistance, il a fini par se radoucir pour retourner de l’autre côté. Nathalie avait le visage tuméfié. J’étais au bord des larmes de la voir dans cet état, mais elle s’inquiétait davantage pour sa fille et sa mère. »

Caroline va donc discrètement jeter un œil par la fenêtre et constater que leur amie, qui avait préféré se reposer en sautant le dîner, s’était finalement réveillée en raison des cris. Elle semblait bien avoir saisi la situation : « Ils étaient dans le salon à discuter. J’ai fais signe à Laure de continuer à le calmer, et j’ai fait le tour de la maison à la hâte, pour vérifier que la petite et la grand-mère allaient bien. Et puis, je suis retournais récupérer mon portable pour contacter la police ».

Nouveau dilemme : trouver de l’aide !

Petit village, pavillon reculé, il n’y a que la gendarmerie. Caroline va donc appeler quatre numéros différents pour essayer de les avoir en ligne, mais à chaque fois on leur répond « qu’elles ne sont pas dans le bon secteur ou que les patrouilles, déjà en intervention… ».

« Nous étions quatre femmes seules avec un enfant à la merci d’un homme ivre et violent et ils me répondent qu’ils vont se déplacer dès que possible, avant de me raccrocher au nez. ?! J’ai continué dans la panique à chercher sur le net et bien heureusement, le dernier numéro sera le bon. J’ai supplié encore qu’on nous envoie au moins une autorité de l’État… les pompiers, sans doute, car nous étions en danger ! »

Ils arriverons une quinzaine de minutes plus tard, sans manquer d’attiser par leurs sirènes, l’attention du père de Nathalie qui pense d’abord à la Police. « Je lui ai répondu que c’était les pompiers. Que sa fille était en sang et avait besoin de soins. »

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Pré-diagnostique : nez cassé, peut-être une dent également, lèvre fendue, en état de choc…

Les pompiers vont bien évidemment chercher à comprendre. Nouvelle tension donc avec le papa de Nathalie, qui cherche encore à nous agresser, ou menace et culpabilise son épouse. « Les pompiers l’ont éloigné et la police est enfin arrivée… Après les premières explications, je suis montée dans le camion avec mon amie et nous sommes allées à l’hôpital. Tandis que sa mère et Laure, mon autre amie, sont restées auprès de la petite, qui s’était endormie ».

Nuit particulièrement chargée aux urgences également. Et bien que Nathalie va être « prise en charge », il n’y aura aucune visite de psy, ni expertise d’ailleurs. S’en suit une conversation tout aussi surprenante et sans aucune discrétion avec le gendarme « R », qui les avait déjà rejointes à la maison :

agression-a-ales« Il s’est assis à côté de moi, dans le couloir, et m’a posée des questions concernant cette « altercation » avec le père de Nathalie, qui, selon ses dires, n’acceptait pas ma relation avec sa fille. Je lui ai répondu que malgré toutes ses insinuations, j’étais restée plutôt vague lorsqu’on était à table, faisant mine de ne pas comprendre pour tempérer. Et, il m’a alors demandé si Laure, qui était donc restée à la maison avec la maman de Nathalie, avait bu ? Je ne voyais pas bien le rapport. Et il m’a expliqué qu’elle lui avait confié ne pas être en état de s’occuper de la petite parce qu’elle était bourrée ! Je connaissais suffisamment mon amie. Je lui ai donc assuré qu’il y avait méprise et qu’elle ne buvait jamais d’alcool. De toutes les manières, au moment de l’agression, Laure dormait ! Il m’a rétorqué qu’il avait dû mal comprendre. Et puis, un autre de ses collègues nous a interrompus pour lui signaler que le père de Nathalie était tout à côté et qu’il entendait nos échanges. « R » lui a répondu que ce n’était pas grave !

Notre agresseur, ce charmant bonhomme, écoute notre conversation et ce n’est pas grave ?! Heureusement, ils l’ont placé en salle de dégrisement, pendant que j’attendais Nathalie. Qui, deux heures et demi plus tard, toujours fracturée du nez et lèvre ouverte, ressortait de l’hôpital, sans autre précision, sinon deux cachets de Doliprane !

Vers 3h du matin, sa mère est revenue nous chercher et nous sommes rentrées, avec l’intention de porter plainte, après avoir un peu repris nos esprits. Mais, à 7h30 le gendarme « R » m’appelle sur mon portable pour m’informer qu’ils vont relâcher le père, et que nous devons donc rapidement les rejoindre au commissariat pour « être entendues ». Ma compagne pouvait à peine conduire. Elle est en état de choc !
Nous avons donc décider de consulter d’abord un médecin, puisque personne ne lui avait véritablement prodigué de soins la veille. Il a pu constater les coups, et circonstance aggravante : lui a recommandé 10 jours d’ITT.

Nous avons demandé au gendarme, qui auditionnait ensuite Nathalie, d’en prendre compte et de joindre le rapport au dossier. Il a accepté en m’expliquant néanmoins que le document n’avait aucune valeur… « l’hôpital en ayant déjà fourni un autre ».
Nous n’en savions rien ! Il aurait été pourtant tout à fait opportun de nous faire part de son contenu puisqu’il « fait foi ».
Et, dès lors ma plainte déposée, le gendarme « R » est revenu pour me prévenir qu’ils allaient incessamment relâcher le père de Nathalie et que nous devions donc sous peu « quitter les lieux ».
Nous n’avions qu’un seul véhicule et la mère de ma compagne n’avait toujours pas été auditionnée. Il en a profité pour « me rappeler » qu’elle aurait déjà dû le faire la veille (insinuant qu’elle attendait sans doute « la version » de sa fille pour s’accorder). Et qu’une patrouille pouvait nous raccompagner. En ajoutant « ainsi, la grand-mère pourra elle-même ramener son agresseur de mari à leur domicile ».
Je n’ai pu m’empêcher de lui demander s’il s’agissait d’une blague ? Elle allait reconduire son agresseur et celui de sa fille, après avoir été entendue pour violences, notamment conjugales ? Il m’a répondu qu’il « cherchait la meilleure solution » et que je ne devais pas m’énerver ni l’agresser.
Je me suis excusée immédiatement. Je ne voulais pas non plus me retrouver avec une plainte pour agression verbale sur gendarme. J’avais compris à qui j’avais à faire.
J’ai d’ailleurs eu confirmation par la suite de ses « suspicions » concernant l’origine de l’altercation et nos « versions ». Nous n’avions donc reçu aucune aide ni soutien de la gendarmerie, si ce n’est par l’agent qui m’avait personnellement auditionnée. Et, ma plainte ne semble pas avoir été prise en compte. Ils n’étaient pas du tout du côté des victimes. Le procureur n’a même pas attendu notre déposition, pour donner l’ordre de relâcher le père de Nathalie. Et l’une avait été entendue par des policiers, et nous autres par les gendarmes… le dossier flairait par avance les problèmes !

En sortant, un binôme nous attendait pour nous ramener. Mais, notre voiture était sur leur parking et nos affaires au domicile familial. Ils allaient donc devoir faire un aller/retour, sachant que nous avions besoin également d’un peu de temps pour ranger nos affaires, y compris celles de la petite. Le gendarme nous a répondu sans autre considération qu’ils n’étaient pas « les déménageurs bretons ! »
Ma compagne était choquée, elle pleurait. Visiblement notre agression n’avait aucune importance ! Il lui a répondu brusquement, qu’elle pouvait penser ce qu’elle voulait, « que ça ne l’empêcherait pas de dormir ». Et, la femme gendarme au volant m’a regardé un peu dans le genre : « Je ne peux rien faire non plus ».

Nous avons donc finalement repris notre véhicule pour rentrer, dans un état totalement dépité, après cette nuit de violences et une matinée toute aussi affreuse. Nous avons rapidement tout rangé dans des sacs poubelles… mais déjà, la gendarmerie revenait avec « le prévenu ».
Laure a tenté de gagner un peu de temps, mais ils lui ont encore répondu qu’ils avait déjà fait le taxi et que ce n’était pas dans leurs fonctions de jouer les gardes du corps.
Nous avons été contraintes de garder le portail fermé par sécurité, quelques minutes de plus pour finir et nous sommes parties.
Nous avons ensuite récupéré la mère de ma compagne, qui nous attendait un peu plus loin, et pris la route pour des lieux plus sains.

Laure m’a confié sur le trajet que le père de Nathalie lui avait expliqué qu’il n’aimait pas « les gens comme nous ». Et, qu’à la gare, il se demandait déjà « c’est quoi ces machins là ?! Il était persuadé que nous allions lui piquer son argent ou sa voiture… ».

On devient des monstres aux yeux de ses parents dès lors que notre sexualité éclot ? Les gènes n’ont pourtant pas changé entre temps !

Nathalie et Caroline sont depuis en sécurité et la petite va bien, « c’est le principal. Ma compagne est évidemment très affectée psychologiquement, mais physiquement, elle se remet. Même s’il faudra du temps et qu’elle prend des anti douleurs. Elle ne peut pas non plus se nourrir normalement. Nous irons chez le dentiste dès notre arrivée à Paris.
La maman de Nathalie est toute aussi choquée et « se sent vide ». Sa vie va changer.
Et, Laure est triste. Elle avait déjà personnellement traversé ce genre de violence avec un ex mari. Elle en a même gardé des séquelles.
Quant à moi, j’ai toujours mal à l’épaule, mais je suis surtout épuisée. J’ai demandé à mon patron quelques jours pour me remettre. Heureusement, il est gay, militant et nous soutient totalement. Tout le monde autour de nous d’ailleurs. Et, mes parents m’ont appelée dès qu’ils ont su. Nous sommes encore dedans. Le contre coup arrivera ensuite… ».

Nous avons contacté nos partenaires de l’association Flag !, très engagée dans l’amélioration de l’accueil des victimes LGBT, et qui intervient régulièrement dans les écoles de gendarmerie et de police pour sensibiliser les militaires et fonctionnaires à ces questions et traitements judiciaires, pour les prévenir. Et nous vous tiendrons rapidement au courant de la suite de cette affaire.

Terrence Katchadourian

(Nathalie, Caroline, Laure et « R » sont des prénoms d’emprunt.)
@stop_homophobie