À 27 ans, le journaliste Samuel Larochelle propose son premier roman, À cause des garçons, une fiction librement inspirée de sa propre histoire.
«Ce roman, c’est un de mes objectifs de vie qui vient d’être atteint, déclare le jeune auteur avec conviction. J’étais en secondaire cinq lorsque j’ai compris que j’adorais écrire de la fiction, et depuis, je savais que j’en écrirais un, un jour. Ma vie est toujours très mouvementée, j’aime raconter mes anecdotes avec du rythme, pour que ça soit intéressant. À un certain moment, je me suis dit que ça mériterait un livre ou un scénario de film mais, au fil du temps, j’ai beaucoup modifié l’intrigue.»
Récapitulons d’abord son parcours, afin de cerner l’homme derrière la plume. Né à Amos, en Abitibi, Samuel Larochelle est débarqué à Montréal à 19 ans, après des études en Art et technologie des médias, à Jonquière. Il a roulé sa bosse avec un stage à la salle des nouvelles de TVA jusque dans les bureaux de Plongeon Québec, où il a été attaché de presse pendant deux ans et demi. Entre les deux, il a collaboré à divers magazines, a tenté sa chance aux auditions de différentes écoles de théâtre, où il a été refusé, a entamé un baccalauréat en enseignement du français au secondaire, qu’il a finalement interrompu après un an, et a occupé un boulot administratif dans une maison d’édition. Maintenant pigiste, il tient aussi un blogue de critiques artistiques, Sage Gamin.
Vérité versus fiction
Dans À cause des garçons, Samuel nous présente Émile, un garçon de 19 ans qui quitte la Gaspésie qui l’a vu grandir pour s’établir dans la métropole, dans le but très avoué de rencontrer l’âme sœur. Homosexuel assumé, le jeune adulte navigue sur le site ToietMoi.com pour dénicher la perle rare et multiplie les rendez-vous désastreux. Mais ce périple sentimental se doublera bien vite d’une autre quête, beaucoup plus profonde. À travers des remises en question personnelles et professionnelles, Émile en arrivera à mieux se connaître lui-même et à accepter la mort de son père, décédé quelques années plus tôt. L’ensemble, sympathique, qui se lit d’un trait, enrobé d’un humour délicieux et de beaucoup d’autodérision, se veut également très urbain; les Montréalais y reconnaitront plusieurs lieux familiers, des quartiers, des restaurants, des stations de métro.
Lorsqu’il a rédigé ses premières lignes, Samuel comptait relater ses 18 premiers mois à Montréal et sa propre recherche amoureuse. En cours de travail, plusieurs éléments se sont ajoutés, et l’univers d’Émile se transformait peu à peu, alors que de nouveaux pans de sa vie apparaissaient à l’esprit de son créateur. En fin de piste, seuls quelques épisodes d’À cause des garçons sont directement tirés du passé de Samuel, mais c’est tout. Ainsi, contrairement à son protagoniste, l’écrivain n’éprouve pas une grande passion pour la photo et n’a jamais vécu de deuil important. Sa relation avec sa mère n’est pas la même que celle d’Émile avec la sienne, et les rapports amicaux ne sont pas similaires non plus.
«Mais il y a une partie de sa personnalité, de son essence, de sa sensibilité, qui ressemblent aux miennes, précise-t-il. Et puis, comme lui, quand je suis arrivé à Montréal, à l’âge de 19 ans, je n’avais jamais été en couple de ma vie. Je n’avais jamais tenu une main ou embrassé qui que ce soit. Donc, cette idée des premiers émois et des premiers doutes, c’est pas mal la même situation… entre guillemets, disons! (rires)»
Grande maturité
Au final, À cause des garçons s’avère beaucoup plus qu’une loupe braquée sur le quotidien d’un jeune homosexuel. N’y cherchez aucune leçon ou revendication, et l’exercice n’a absolument rien de documentaire.
«Pour moi, c’était naturel que le personnage soit gai. C’est comme une trame de fond. Je sais qu’il y a des lecteurs qui découvrent certains aspects de la vie d’un jeune homosexuel à travers le roman, mais je ne voulais pas mettre l’accent là-dessus. Mes thématiques principales, ce sont vraiment la quête amoureuse, les premières expériences, la gestion d’un deuil interminable et le fait de forger son identité, et pas seulement sexuelle. Ceci dit, Émile reste un personnage fort et positif, et ce n’est pas mauvais pour les jeunes, gais ou hétéros, d’avoir un modèle comme celui-là.»
Le titre À cause des garçons fait d’ailleurs référence à toutes les influences masculines qui guident le cheminement d’Émile, et pas seulement à ses prospects trouvés sur Internet. Et cette maturité qui anime le héros de l’œuvre, elle, n’a pas été fabriquée de toutes pièces. Ces commentaires qui nous semblent parfois trop songés pour provenir de la tête et de la bouche d’un gamin à peine sorti de l’adolescence, Samuel Larochelle les a déjà émis.
«Entre 19 et 22 ans, j’ai battu des records Guinness de questionnements. J’essayais de tout comprendre, la vie, les gens, moi-même. Comme Émile, j’essayais d’être le meilleur là-dedans aussi! À un moment donné, pour avancer, j’ai dû accepter que je ne pouvais pas tout comprendre, et que je devais vivre le moment présent, lâcher prise, me lancer dans le vide. Je suis conscient que c’était assez mature pour cet âge.»
Et la suite?
L’avenir, Samuel Larochelle l’entrevoit plein de promesses. La tête remplie de projets, il aimerait éventuellement être chroniqueur à la radio et à la télévision, et pondre un film, une série télévisée et une pièce de théâtre. Il songe déjà à la suite d’À cause des garçons, dont 75% du plan est dessiné dans sa tête, et ne rejetterait pas l’idée de vivre uniquement de l’écriture romanesque si le succès était de la partie.
Dans le monde littéraire, Alessandro Baricco, Kim Thùy, Guillaume Vigneault, Matthieu Simard, India Desjardins et Rafaële Germain sont ses principales sources d’inspiration. Et qu’aimerait-il que les lecteurs retiennent après avoir rabattu la couverture de son bouquin?
«J’espère qu’ils vont vivre une succession d’émotions et de réflexions, souhaite-t-il après quelques secondes de silence. Qu’ils vont apprendre à se connaître, parce que j’ai souvent l’impression que bien des gens se laissent vieillir sans essayer de se comprendre, de communiquer entre eux, sans être capables d’identifier leurs émotions et de lâcher prise. Je crois que c’est ce qui peut ressortir du roman… »
Samuel Larochelle invite le public à aller le rencontrer aux Salons du livre de Montréal, du 20 au 25 novembre, de Québec, du 9 au 13 avril 2014, et d’Abitibi, du 22 au 25 mai 2014.
Le Huffington Post Québec | Par Marie-Josée Roy