Comment les homosexuels ont-ils vécu ces six derniers mois de débat autour du mariage gay ? Mal. Très mal. Et ils sont inquiets face à la montée de l’homophobie qu’ils ont déjà constatée.
Les homosexuels en ont marre de tout ce bruit alors qu’il s’agit juste d’égalité des droits ! ». À l’association Rainbow de Chalon, la présidente Nadine Favoriti a bien senti l’ambiance changer depuis le début de l’offensive des opposants au projet de loi sur le mariage pour tous, en août. Installée rue de Belfort, Rainbow soutient les homosexuels, bisexuels et transexuels de la région.
Insultes et excréments
Ici, personne ne comprend « l’ampleur démesurée » qu’a prise le débat. « Les homos veulent être considérés comme des citoyens », rappelle Nadine Favoriti. Cette mère de six enfants s’est engagée dans le militantisme pour son fils, Julien. Elle ne pensait pas découvrir, il y a quelques semaines, des excréments de chien dans la boîte aux lettres de l’association ou devant sa porte. Autre conséquence pour Rainbow : des appels d’homosexuels « qui avaient prévu de faire leur coming out, et renoncent, par peur ».
« On a l’impression que les gens se sentent le droit d’être agressifs et homophobes», estime Laëtitia, une jeune lesbienne de 33 ans. Pour elle, entendre les opposants à l’adoption pour les couples homosexuels est encore plus difficile. « Je suis maman, et ma fille n’est pas malheureuse, s’insurge-t-elle. Je suis fatiguée d’entendre que je ne suis pas normale et que je n’ai pas le droit de fonder une famille ! Nous avons aussi le droit d’être heureux ».
Pour certains membres de Rainbow, c’est dans leur vie quotidienne que ce débat a eu des conséquences. Julien, la vingtaine, a déjà eu affaire plus souvent aux insultes depuis cet automne. Lui et son petit-ami ont aussi reçu « des pierres » sur leur voiture. Le jeune Chalonnais perçoit l’agressivité de ceux qui pensent « que l’État n’en a plus que pour les homos » : « On me dit qu’à cause des homos, les problèmes des autres doivent attendre. Mais on n’y est pour rien ! ».
« On m’a dit que j’étais une race à exterminer »
Quant à Sophie*, 17 ans, c’est sa scolarité qui a été interrompue. « En octobre, plusieurs garçons, dont certains étaient dans ma classe, ont commencé à me bousculer en me disant qu’ils n’aimaient pas les lesbiennes et allaient me montrer ce qu’était un vrai homme, raconte-t-elle. Ensuite, il y avait des moqueries sur ma coupe de cheveux. Entendre ça tous les jours devenait pesant. La situation n’a pas vraiment été réglée et je n’arrivais plus à aller en cours ». Elle raconte avoir subi une agression quelques semaines plus tard, à Chalon. « Des garçons m’ont dit que j’étais une race à exterminer, se souvient-elle. On m’a fait tomber par terre et on m’a frappée ».
Annie, 60 ans, se dit « décontenancée ». « Ce débat fait ressurgir des choses très désagréables, raconte-t-elle. On s’aperçoit que les gens ne sont pas tolérants et on a l’impression de se heurter à un mur ». Ludovic, 31 ans, ressent « une régression » par rapport au Pacs, en 1998 : « C’est encore pire », dit-il.
« On nous compare à des criminels ! »
Le plus dur, selon eux, est de constater « l’ignorance » de certains opposants. « Il faut réaliser qu’on fait des liens avec la pédophilie, s’insurge Ludovic. On nous compare à des criminels ! ». Nadine Favoriti ne supporte plus d’entendre que « l’homosexualité est un choix ». « Ce n’est pas un choix, se révolte-t-elle. En tant que mère d’un enfant homosexuel, je vis très mal certains propos. On dirait qu’on parle d’animaux. »
Pour Élodie*, une jeune Beaunoise rencontrée à Chalon, la teneur des arguments des opposants est vécue comme « une humiliation publique ». « Je vais d’ailleurs me faire apostasier, témoigne-t-elle. J’ai été baptisée mais je ne suis pas croyante, et je ne veux plus appartenir à une Église où je ne suis pas la bienvenue ».
« Après tout, on parle d’histoires d’amour »
Marc*, un Chalonnais de 38 ans, ne comprend pas « toute cette énergie déployée à une haine envers l’autre ». « Ça me rappelle une triste époque, confie-t-il. J’aimerais demander à ceux qui manifesteront dimanche à Paris : pourquoi ce projet les gêne-t-il tant ? ». Suivre l’actualité est devenu pour lui « une agression » : « Ça me blesse, ça me choque, et pour moi, ça n’a qu’un nom : l’homophobie. » Sabrina, 22 ans, a le même avis : « Les opposants ont un problème avec les homosexuels et ils pensent que nous sommes différents. Avant, ils pouvaient se dire qu’eux seuls pouvaient se marier. Vouloir le bonheur uniquement pour soi, c’est de l’égoïsme ».
Un point sur lequel Nadine Favoriti la rejoint : « Les hétéros ont peur de réaliser qu’un couple homo, c’est la même chose qu’eux. Ils ne veulent pas se retrouver sur un même pied d’égalité ». « Tout ça est blessant, glisse Sophie*. Après tout, on parle d’histoires d’amour qui ne sont pas différentes. On est comme tout le monde. On a le même sang ».
*Prénoms d’emprunt