On se doutait bien que Madame Boutin, tout ministre de la république qu’apparemment elle fut, ne se distinguait guère par la célérité foudroyante de sa pensée. Ou qu’elle entretenait avec ce qu’il convient de nommer l’intelligence des rapports de connivence fort distendus.
Rien que de la voir piquer un fard en apprenant qu’elle avait un nouveau pape laissait déjà supposer une légère défaillance s’opérant de temps à autres au niveau de ses synapses.
Pourtant avec son air de dame patronnesse enjouée et son physique de danseuse du ventre énamourée de ses propres rondeurs, on était plutôt enclin à la ranger dans la catégorie des exaltés sympathiques usant de leur foi pour s’illuminer de l’intérieur et soupirer d’aise de se savoir sous la protection du seigneur.
Rien de bien méchant.
Capable de se resservir de la crème fouettée sans même demander une autorisation écrite du curé de sa paroisse avant de chevaucher l’objet de son amour sous le regard bienveillant d’un Christ prônant, au-dessus de la rambarde de son lit à baldaquin, l’amour universel sur terre.
Aussi quelle ne fut pas notre désolation en lisant le tweet délétère de Madame Boutin apprenant que le Sénat venait d’approuver à mains levées l’adoption de la loi du mariage pour tous !
Il y a des baffes qui se perdent.
Et des envies de rétablir des tribunaux d’exception pour ceux qui osent, afin d’asseoir la pertinence de leur jugement, évoquer en sifflotant la mémoire de la déportation.
Les tsiganes, les homosexuels, les juifs, toutes les victimes du nazisme, ne sont pas mortes pour qu’un jour une illuminée dépitée vienne se servir de leur souvenir pour légitimer sa prise de parole.
Madame Boutin a tout à fait le droit d’avoir des opinions.
Madame Boutin a toute la légitimité nécessaire pour s’émouvoir que deux êtres du même sexe puissent se marier devant Monsieur le maire.
Et quand bien même éprouve-t-on quelque difficulté à comprendre le pourquoi de son courroux ou de sa gêne devant un acte qui semble somme toute bien anecdotique, il n’en reste pas moins que puisque démocrates nous nous vantons d’être, il nous faut admettre que ce genre de raisonnement a toute sa place dans le débat public.
Ce qui n’est pas admissible c’est d’appeler à la mémoire des déportés pour légitimer sa déception de n’avoir pas été entendue par la représentation nationale.
Ce qui n’est pas tolérable c’est d’évoquer le port de l’étoile comme s’il agissait d’une aimable farce ayant eu cours dans un passé reculé.
Savez-vous madame Boutin ce que cela représentait de se promener avec cet insigne incrusté dans la couture de son manteau ?
Cette infamie d’être stigmatisé comme un sous-homme à qui l’on refusait le simple droit d’exister. Que l’on moquait dans la rue. Que l’on houspillait, que l’on vitupérait, que l’on admonestait sous le simple prétexte que par sa présence il souillait la rue et la race allemande.
Ce port de l’étoile qui n’était qu’une licence même pas déguisée pour offrir au nazillon l’ordinaire le permis de passer à tabac la malheureuse et innocente victime ou l’obliger à accomplir des tâches qu’il n’eût osé demandé à un chien d’effectuer.
Cette obligation à porter cette étoile, Madame Boutin, ne fut que le début d’un funeste chemin de croix qui ne connut sa conclusion que dans le confinement d’une chambre à gaz.
En même temps quand on apprend que Justin Bieber a pu écrire après sa visite du musée d’Anne Franck à Amsterdam que ” Anne était vraiment une super fille. Elle aurait pu être une belieber ”, on se dit après tout que Madame Boutin a encore de la marge.
Laurent Sagalovitsch