La Communion Béthanie est une fraternité contemplative qui rassemble des personnes homosexuelles, transgenres et leurs proches, unis par la prière, la charité et des moments de partage.
Cette année, la retraite d’été au carmel de la Paix à Mazille (Saône-et-Loire) est venue panser les blessures ouvertes ces derniers mois avec les débats autour du mariage pour tous.
Christine et sa compagne se reposent au soleil sur une terrasse du carmel de Mazille. Moment de détente, après les travaux des champs en plein soleil, aux côtés des carmélites. Mariée pendant vingt-et-un ans, Christine est maman de trois enfants. Elle est venue chercher l’apaisement pendant cette retraite, après une année difficile, marquée par les débats vifs autour du mariage pour tous, qui l’ont coupée de l’Église. « J’ai déserté ma paroisse du Val-de-Marne quand j’ai vu tous les tracts qui appelaient à manifester », souffle-t-elle. « L’Église doit nous rassembler, pas nous diviser » estime-elle, « très blessée ».
Comme elle, une trentaine de membres de la Communion Béthanie sont venus se ressourcer, en ce début du mois de juillet, dans l’écrin de verdure du carmel, perché au sommet d’une colline du Mâconnais, non loin de Taizé, en Bourgogne. Ils arrivent de toute la France et leurs parcours sont variés, parfois accidentés. Parent d’un garçon homosexuel, couples d’hommes ou de femmes, célibataires, personnes transsexuelles : chacun est accueilli tel qu’il est. « Nous ne sommes pas juste de bons amis, ce qui nous relie, c’est notre Seigneur », s’émerveille Christine.
Si les personnes homosexuelles trouvent un accueil inconditionnel dans les monastères, ce n’est pas toujours le cas dans les paroisses. Brigitte, 39 ans, a vécu avec plus de distance l’épisode des « manifs pour tous », même s’il y a eu « des paroles très insultantes de la part d’évêques ou de prêtres ».
« Il n’y a pas le droit chemin et des chemins tordus »
Les tensions liées au débat sur le mariage entre personnes de même sexe ont rendu encore plus vive la difficulté pour les personnes homosexuelles de trouver une place dans l’Église. « Il y a toujours l’idée que nous avons choisi notre sexualité, donc nous sommes coupables », constate Manuel, 46 ans, infirmier en soins palliatifs à Lyon. « Ce qui est un choix, c’est comment vivre son homosexualité », ajoute cet ancien carme espagnol.
Philippe, lui, a dû choisir entre servir l’Église et assumer son homosexualité. Ordonné prêtre depuis vingt-trois ans, il a « pris du recul » en 2005 lors de la publication d’un texte de Rome affirmant que les personnes ayant des tendances homosexuelles profondes ne pouvaient pas devenir prêtres. Aumônier de prison, il décide cinq ans plus tard de renoncer à cette mission. « L’Église institutionnelle estime que je ne suis plus capable de rendre ce service », commente-t-il.
Engagé dès les premières heures dans la Communion Béthanie, il travaille aujourd’hui au Samu, à Paris. Dans le débat autour du mariage pour tous, il déplore un « manque de hauteur », y compris dans l’Église. « Il fallait être pour ou contre » regrette Philippe, qui décrit une « guerre des tranchées ». « L’Église aurait pu reconnaître l’existence de l’homosexualité », estime-il. « Il n’y a pas le droit chemin et des chemins tordus. Il y a le chemin de chacun, où Dieu nous rejoint. »
« Les personnes transgenres nous questionnent sur nous-mêmes »
Loin des polémiques, la Communion Béthanie a choisi de « ne pas entrer dans l’arène des débats », explique Jean-Michel Dunand, son fondateur, proche de la spiritualité de Frère Roger de Taizé. La fraternité n’est pas une association militante, mais se décrit plutôt comme une « passerelle de réconciliation » entre l’Église et les personnes « homosensibles », comme il les appelle affectueusement.
« Être reconnus positivement par tous, c’est une illusion », sourit-il. Dans les moments de découragement, le témoignage de vie des personnes transsexuelles lui donne du courage. « Les personnes transgenres nous questionnent sur nous-mêmes, elles ont des parcours très accidentés mais font preuve d’une authenticité humaine et spirituelle », témoigne-t-il.
Dès le départ, les monastères ont ouvert grand leurs portes à la Communion Béthanie, sans jugement. « Après plusieurs années de vie monastique, un moine ou une moniale est un pauvre », constate Jean-Michel Dunand. « Ils connaissent les combats affectifs et spirituels. Leur seul désir, c’est que l’on partage quelque chose du Christ. »
Ici, pas de clôture : les carmélites, autrefois installées en ville à Chalon-sur-Saône, ont déménagé en 1971 à Mazille, pour vivre proches de la terre. Pour les remercier de leur accueil, les frères et sœurs de la Communion Béthanie ont monté des murets de pierres sèches, déplacé des branches mortes ou arraché les chardons d’un champ, dont l’herbe parfumée ira nourrir les brebis des religieuses. Il est bientôt l’heure du dîner au carmel de la Paix, et les amis de la Communion Béthanie répètent les chants de la messe du lendemain, profitant de la douceur du soleil.
Agnès Chareton, à Mazille (Saône-et-Loire)