La photo d’un enfant new-yorkais ému aux larmes en évoquant son homosexualité a suscité un certain scepticisme. A quel âge prend-on conscience de son homosexualité? L’avis du pédopsychiatre Xavier Pommereau.
Ses larmes ont fait le tour du monde. Assis sur le perron de son immeuble, un jeune new-yorkais pleure. Pas pour une histoire de goûter volé ou de mauvaise note, c’est pour son avenir que cet enfant s’inquiète. « Je suis homosexuel et j’ai peur pour mon futur, peur que les gens ne m’aiment pas », confie-t-il sur le blog d’un photographe de « rue américain ».
Publiée le 3 juillet, la photo a ému jusque dans les plus hautes sphères. En quelques jours, il a reçu des milliers de messages de soutiens. Hillary Clinton elle-même lui a promis « un avenir incroyable ». Au milieu de tous ces encouragements, certains ont dénoncé un cliché militant, arguant qu’à cet âge-là, on ne peut avoir conscience de son orientation sexuelle. L’avis de Xavier Pommereau, pédopsychiatre, directeur du pôle Adolescent au CHU de Bordeaux.
A quel âge prend-on conscience de son homosexualité?
Le plus souvent, les jeunes gens le savent dès leur enfance mais sans pouvoir se le dire, mettre des mots sur ce qu’ils ressentent. Un petit garçon, par exemple, va sentir qu’il est attiré par les hommes mais pas pour trouver une figure de l’autorité. J’ai un patient qui aimait les bras de son prof de judo. C’est la même chose qu’un gamin attiré par sa maîtresse à l’école. Mais à cet âge, il n’y a pas de représentation sexuelle de cette attirance. Généralement, ils reconnaissent ces signes a posteriori.
Vers quel âge?
A l’adolescence, voire même à la préadolescence. Les jeunes mûrissent aujourd’hui plus précocement : grâce à Internet, la télévision, ils sont hyper informés et commencent à avoir des représentations sexuelles vers 9-11 ans. Le processus d’acceptation reste malgré tout long.
Qu’est-ce qui est le plus dur à accepter?
L’adolescence d’un jeune homosexuel est souvent une source de souffrance en raison du vécu de la différence. L’homophobie est bien évidemment un problème: les attaques, le harcèlement, les moqueries leur font beaucoup de mal mais ce n’est qu’un aspect de la souffrance. Avant même d’accepter le regard des autres, il faut s’accepter soi-même. Les aider à accepter leur différence est le but de notre travail. Beaucoup d’ados refoulent un temps leur homosexualité, vivent une relation hétérosexuelle pour se convaincre qu’ils sont comme tout le monde.
Y a-t-il une différence entre l’acceptation de l’homosexualité masculine et féminine?
L’homosexualité féminine étant moins visible, elle est souvent plus facile à accepter. Deux adolescentes qui se tiennent par la main ou dorment dans le même lit peuvent facilement passer pour les meilleures amies. Alors que deux garçons de 15-16 ans qui font la même chose seront immédiatement catalogués « homosexuels ».
L’acceptation de l’homosexualité par les proches a-t-elle évoluée?
Énormément. Il y a vingt ans, les parents acceptaient très mal cette annonce, certains hurlaient, pleuraient, tournaient le dos à leur enfant. On en avait régulièrement qui nous emmenaient leur ado pour qu’on « corrige » cette homosexualité. Les mentalités ont beaucoup évolué. Dans les manuels de psychiatrie des années 60 ou 70, l’homosexualité était par exemple considérée comme une perversion sexuelle. Il a fallu attendre les années 90 pour qu’on admette qu’il s’agissait d’un penchant dont on ne sait d’ailleurs toujours pas vraiment quand il prend racine.
Aujourd’hui ces réactions extrêmes sont rares. Dans la grande majorité des cas, les parents ne sont pas très à l’aise avec l’homosexualité de leur enfant – notamment parce qu’ils ont des représentations – mais ils l’acceptent. Et les mentalités évoluent dans ce sens: les adolescents sont plus ouverts que leurs parents sur le sujet.
Par Caroline Politi