À Reims, un procès emblématique pour meurtre et viol aggravés à caractère transphobe

Le procès de Jean-Paul Isaki s’est ouvert ce lundi 2 décembre 2024 devant les Assises de la Marne. Accusé du meurtre et du viol de Paula Migeon, femme transgenre âgée de 51 ans, en avril 2021 à Reims, il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Les charges retenues incluent également le vol, l’escroquerie et la destruction de biens par incendie.

Les faits : une soirée tragique

Le 7 avril 2021, les pompiers interviennent pour un incendie dans un appartement de l’avenue de Laon, à Reims. À l’intérieur, le corps de Paula est découvert, mutilé de 14 plaies profondes infligées à l’arme blanche, notamment au cou. L’autopsie confirmera que ces blessures ont causé sa mort. Avant de succomber, Paula avait également subi un viol.

Les enquêteurs établissent rapidement un lien avec Jean-Paul Isaki grâce à l’exploitation des données bancaires de la victime, utilisées pour des achats en ligne et des locations. Interpellé une semaine plus tard, il avoue les faits, évoquant une dispute, suivie d’une agression sexuelle, puis d’un meurtre prémédité avant d’incendier les lieux.

Une violence exacerbée par la haine transphobe

Les éléments de l’enquête montrent que Paula, connue sous ce prénom par ses proches, était active sur des sites de rencontres LGBT+ sous une identité féminine. Les procureurs retiennent la circonstance aggravante de haine liée à l’identité de genre, une qualification rare mais essentielle dans ce type d’affaire.

Jean-Paul Isaki avait déjà été mis en examen en 2019 pour tentative de meurtre à caractère transphobe. Malgré des faits similaires sur une escorte en 2017, il avait échappé à un jugement à cette époque. Ce contexte alourdit encore les charges qui pèsent sur lui et interroge sur les dysfonctionnements passés.

Une personnalité troublée au centre des débats

La première journée du procès a été marquée par une bataille judiciaire sur la capacité de Jean-Paul Isaki à être jugé. Son avocate, Me Jane Peissel, a évoqué des troubles graves, exacerbés par son incarcération : « Il parle aux murs, se nourrit à peine, il est en proie à des délires ». Selon elle, son client ne serait pas non plus en état de préparer efficacement sa défense.

Cependant, la cour a rejeté la demande de renvoi, estimant que les troubles évoqués ne remettent pas en cause la tenue du procès.

Devant la cour, Jean-Paul Isaki a livré un témoignage déroutant. Il a décrit une enfance marquée par les traumatismes de la guerre au Congo et une adolescence chaotique. Évoquant des visions de « démons » et une emprise mystique, il a tenté de justifier ses actes par un état psychologique fragile.

Un procès symbolique sous tension

Le meurtre de Paula Migeon avait provoqué une onde de choc à Reims et au-delà. Des manifestations avaient réuni des associations LGBT+ et des citoyens dénonçant les violences transphobes et exigeant des mesures contre ces crimes.

« Ce procès est une étape cruciale pour reconnaître les souffrances infligées à Paula et, au-delà, pour protéger une communauté trop souvent ciblée par la haine », insiste Terrence Khatchadourian, secrétaire général de l’association STOP homophobie. Au-delà des responsabilités individuelles de l’accusé, ce procès met en lumière un phénomène global : la marginalisation et les violences subies par les personnes transgenres.

Les débats, qui se poursuivront toute la semaine, s’attacheront à établir la vérité sur les circonstances du crime et à explorer les zones d’ombre du dossier. Pour les proches de Paula, l’objectif est clair : obtenir justice et tourner la page d’un drame qui a bouleversé leur vie.