Le sentiment amoureux prend une place importante à l’adolescence. Et il est bien difficile de se découvrir des penchants différents de ceux de la plupart de ses camarades de collège ou de lycée. Surtout quand les insultes homophobes pleuvent dans la cour de récréation.
« PD, enculé, tarlouze, gouine,… Quand on est homosexuel, ces insultes sont très blessantes et dévalorisantes », assure Michaël Bouvard membre du bureau de SOS Homophobie, association qui intervient notamment dans les établissements scolaires. Le problème est que ces injures sont utilisées comme n’importe quelle grossièreté. Un détail pour certains, une souffrance pour d’autres.
La discrimination sur l’orientation sexuelle, comme les propos racistes, est pourtant interdite par la loi. « Lorsque nous intervenons dans les lycées, nous faisons réfléchir les élèves à l’origine et à la gravité des insultes homophobes, qui sont les plus courantes », explique Frédéric Gal, délégué général du Refuge.
Et si l’on pensait à ce qu’on dit ?
Selon Michaël Bouvard, lorsque de telles injures sont prononcées, des adultes devraient réagir, pour faire réfléchir les élèves à la signification des mots : « Cela permettrait d’isoler celui qui profère les insultes, plutôt que celui qui en est victime. » Mais il est difficile de se poser en « Zorro des homos », en relevant une insulte, qui ne choque plus la plupart des gens. La crainte est également grande de susciter un doute sur sa propre orientation sexuelle. En général, personne ne réagit et le sentiment de solitude de l’adolescent homosexuel grandit.
L’intervention timide des adultes
« L’idéal serait que les adultes du lycée interviennent systématiquement lorsqu’ils entendent des propos homophobes », assure le membre de SOS Homophobie, association qui assure la formation des enseignants à ces questions. Souvent, ceux-ci ne savent pas comment réagir. Et c’est à l’occasion d’un événement (harcèlement, agression…) clairement identifié comme un acte homophobe que des chefs d’établissement ou des enseignants contactent des associations de lutte contre l’homophobie pour intervenir dans leur lycée.
Et si on en parlait avant que cela soit plus grave ?
Parfois, les insultes ou les « blagues » homophobes visent directement une personne. Ce qui place les témoins qui ne s’y opposent pas dans une position de complicité passive de harcèlement. Pour sortir de cette situation, « on peut essayer de discuter avec l’élève victime concerné, conseille Michaël Bouvard. Ou bien le lycéen peut en parler avec un adulte-relais dans l’établissement, par exemple, l’infirmière scolaire ou l’assistante sociale, qui sont tenues au secret professionnel ». Des jeunes eux-mêmes, qui siègent au CESC (comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté) dans un lycée de Montpellier, ont demandé l’intervention d’une association dans l’établissement en réaction au harcèlement vécu par un élève jugé « efféminé », qui subissait en permanence des insultes homophobes.
Ces réactions d’aides au dialogue sont primordiales d’autant plus que les jeunes homosexuels sont plus exposés au risque suicidaire que leurs camarades hétérosexuels (jusqu’à 7 fois plus pour les gays, et près de 2 fois plus pour les lesbiennes) (2).
« Pourquoi moi ? »
Kévin Thiolon, chargé de mission et de développement de l’association Le Refuge – qui héberge des jeunes majeurs victimes d’homophobie et en rupture familiale –, évoque le cas d’un jeune accueilli récemment par l’association. Celui-ci lui avait confié qu’il aurait « tellement aimé être hétéro avec une femme et deux enfants, comme tout le monde ». Derrière cette confidence se cache le souhait d’ »une intégration sociale pleine et entière ». Un souhait largement exprimé dans les propos des jeunes gays et lesbiennes interrogés dans le cadre de l’enquête du Refuge (1). « Il y a deux choses qui font souffrir un adolescent homosexuel : le regard sur soi-même et, derrière ce regard, celui de la société sur l’homosexualité. La plupart des jeunes qui découvrent qu’ils ne sont pas hétérosexuels se disent : pourquoi moi ? Pourquoi cela me tombe dessus ? », observe Kévin Thiolon.
La tentation est grande de cacher son homosexualité pour éviter d’être rejeté par les autres et, en particulier, par ses parents (lire le témoignage d’Anthony). La moitié des jeunes interrogés ont gardé leur homosexualité cachée jusqu’à l’âge de 22 ans. « Être homosexuel n’est pas un choix, l’assumer si », conclut Frédéric Gal du Refuge. Et ce n’est pas le plus simple.
(1) « Être homo aujourd’hui en France », Michel Dorais avec la collaboration d’Isabelle Chollet, enquête menée par Le Refuge auprès de 500 jeunes gays et lesbiennes, H&O Essai, 2012.
(2) « Les minorités sexuelles face au risque suicidaire« , INPES, 2010.
Qui contacter pour en parler ?
> Vous avez entre 16 et 25 ans ? Vous vous posez des questions sur votre orientation sexuelle et ne savez pas à qui en parler ? En composant le 06.31.59.69.50, l’association Le Refugevous répond (soit par SMS soit par téléphone) 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.> Sexualité, mal-être, le Fil Santé Jeunesrépond à vos questions au 3224 (numéro vert gratuit) ou au 01.44.93.30.74 depuis un portable.> L’association SOS Homophobie a mis en place une ligne d’écoute accessible au 0810.108.135 ou au 01.48.06.42.41, du lundi au vendredi de 18 h à 22 h (jusqu’à minuit le premier lundi de chaque mois), le samedi de 14 h à 16 h et le dimanche de 18 h à 20 h.
L’association a publié son rapport annuel sur l’homophobie le 14 mai 2012 : « Le Rapport 2012 sur l’homophobie« , qui concerne les faits et événements survenus en 2011. |
Mai 2012