Le mariage pour les couples de même sexe semble acquis. La parentalité, en revanche…
Soumis au vote d’ici l’été par le ministre chrétien-social de la Justice, François Biltgen lui-même, le mariage gay s’apprête à devenir une réalité au Luxembourg, qui deviendrait le huitième pays européen à choisir cette voie.
Mais s’il n’a pas suscité le débat polémique de chez nos voisins français – la majorité des partis sont en faveur du projet –, le mariage homo sous-tend au Grand-Duché les mêmes questions: quid de la parentalité de ces couples?
L’adoption, mais également la procréation médicalement assistée (PMA), voire la gestation pour autrui (GPA), se dessinent ainsi plus ou moins clairement en toile de fond du débat.
Des questions plus sensibles, à commencer par l’adoption, contre laquelle la procédure législative se heurte depuis près de trois ans: alors que, dans un premier temps, mariage et adoption devaient être examinés de concert, les députés avaient choisi de dissocier le projet déposé en août 2010. C’était sans compter l’avis du Conseil d’Etat, fin 2012, qui les rappelait à l’ordre en relevant que le projet allait ouvrir de fait l’adoption à ces couples.
Dernier rebondissement: le 7 février, la commission juridique décidait enfin de traiter les deux dossiers en parallèle. Concrètement, l’adoption sera bien ouverte aux époux homosexuels, mais uniquement dans sa forme simple, une réforme plus profonde de la loi sur l’adoption étant reportée à plus tard. Car, au contraire de l’adoption plénière, qui rompt les liens avec les parents biologiques, «l’adoption simple les maintient», argumente François Biltgen.
Et de justifier: l’adoption simple permettra au moins «à ces couples d’assumer leur rôle de parents. Elle profitera surtout aux nombreux couples dans lesquels un des partenaires est le père ou la mère d’enfants d’une relation antérieure.»
Situations existantes
L’ouverture se limitera de fait dans la majorité des cas à permettre à un des époux d’adopter l’enfant de son conjoint, issu d’une autre relation, voire d’une procréation médicalement assistée. Excluant d’autres situations, les adoptions internationales étant pour la plupart plénières.
Face à un sujet sensible, la prudence affichée par le ministre est aussi politique. «L’ouverture éventuelle de l’adoption plénière poserait une série de problèmes philosophiques et juridiques.»
«Il s’agit aussi à ce stade de ne pas avancer plus loin dans des réflexions qui risqueraient de remettre en cause le mariage pour les couples de même sexe lui-même», appuie-t-il.
Eviter les sujets qui fâchent, donc, au second rang desquels la procréation médicalement assistée. La pratique n’est pas légalement encadrée (donc accessible aux couples homo), pourtant pas question pour le ministre de parler de PMA pour ces couples.
Quitte à se voiler la face? Si elle n’est pas revendiquée par les associations, la pratique existe sporadiquement.
Le nombre de couples de lesbiennes y ayant recours dans le pays est très faible, mais réel (environ deux par an selon le CHL, voir ci-dessous).
Une réalité apparemment ignorée du ministre, pour lequel la PMA n’est «pas offerte au Luxembourg à ces couples», et qui juge qu’une potentielle ouverture devrait faire l’objet de la «plus grande prudence».
Et alors que la Commission nationale d’éthique (CNE) s’était dite défavorable à légiférer sur la PMA en 2009, le ministre s’interroge désormais sur les risques d’une telle absence.
Quant à une des formes d’aide à la procréation les plus controversées, la gestation pour autrui – le recours à une «mère porteuse» –, elle est jugée «contraire à l’ordre public», donc illégale. Vu la multitude des législations en Europe, il serait pourtant étonnant que la pratique ne se développe pas. Si, ici non plus, elle n’est pas déjà réalité.
Sebastien Meinbach