Adoption : premiers agréments pour les couples homosexuels

>> Un groupe gay et lesbien dénonce des discriminations et la Manif pour tous craint la création de «quotas».

C’est un nouveau volet de la loi Taubira qui rentre en application. À Paris et dans les Bouches-du-Rhône, des premiers couples homosexuels mariés viennent d’obtenir leur agrément, un document indispensable pour recueillir un enfant abandonné à l’international ou en France, indique l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL). Mais si des couples homosexuels ont déjà obtenu ce feu vert, dans d’autres départements, la procédure coince et les demandes s’enlisent, selon l’association. Au point de craindre une grande pagaille des agréments?

Rencontres avec des assistants de service social, psychologues… tous les candidats à l’adoption et leur projet familial sont passés au crible avant de décrocher un agrément. «Nos adhérents nous ont signalé des réticences. Certains psychologues ont essayé de les coincer avec des questions insidieuses et émettent des réserves dans leurs avis. Nous avons l’impression de ne pas avoir le même traitement que les couples hétérosexuels», s’agace l’APGL. «Il ne faut pas oublier que chaque couple vit le processus d’obtention d’un agrément à sa manière, plus ou moins bien. Les éventuels blocages doivent donc plutôt se mesurer à l’échelle d’un département. Il est encore trop tôt pour faire un bilan», nuance Geneviève Miral, présidente de la fédération Enfance et famille d’adoption (EFA).

«On trouve souvent (dans les conseils de famille) des représentants d’associations familiales conservateurs qui sont à la manœuvre et bloquent les dossiers des candidats homosexuels» : L’APGL se dit d’ailleurs très attentive aux décisions des présidents de conseil généraux, à qui revient la responsabilité finale de délivrer cette autorisation. Leur éventuel refus ne pourrait cependant pas être ouvertement motivé par l’orientation sexuelle des demandeurs. L’étude d’impact de la loi «mariage pour tous» avait cependant envisagé cette possible réticence et suggérait de mener «une sensibilisation» auprès des services concernés.

En outre, l’obtention de l’agrément n’est que la première partie du long chemin de l’adoption. À l’international, les couples homosexuels savent qu’ils vont se heurter aux réticences des pays d’origine des enfants adoptables. Depuis la loi Taubira, «un seul couple de personnes de même sexe est venu nous voir afin d’être orienté vers un des pays partenaires de l’agence, indique l’AFA (Agence française de l’adoption), opérateur public de l’adoption internationale. Nous ne pouvons pas prendre en charge leur demande car aucun d’entre eux n’accepte, à l’heure actuelle, les candidatures de couples mariés de même sexe».

Reste la possibilité d’adopter en France des enfants pupilles de l’État (environ 800 chaque année). Mais là encore, l’APGL craint un nouvel écueil, celui des «conseils de famille». Cette assemblée de huit membres, nommés par le préfet, veille à la prise en charge des pupilles de l’État et valide le choix des familles d’adoption. «On y trouve souvent des représentants d’associations familiales conservateurs qui sont à la manœuvre et bloquent les dossiers des candidats homosexuels», tacle l’APGL. Le conseil de famille pourrait ainsi devenir le nouveau terrain d’affrontement des pro et des anti-mariage pour tous. «Nous craignons une modification insidieuse de la composition des conseils de famille pour arriver à des quotas d’enfants réservés aux couples homosexuels au nom du droit à l’enfant», indique en effet Benoît de Saint-Sernin, porte-parole des Adoptés, association membre du collectif de la Manif pour tous. «Ces agréments vont créer un très fort espoir et engendrer beaucoup de douleur pour les couples homosexuels qui n’arriveront que difficilement à adopter. Afin de changer les règles du jeu, la possibilité de revoir la composition des conseils de famille et leur fonctionnement avait donc été évoquée lors d’une réunion de travail en 2012 avec le cabinet de Dominique Bertinotti, l’ex-ministre de la Famille», poursuit-il avant de s’inquiéter d’une nouvelle «bagarre» autour des enfants adoptables en France.

Par Agnès Leclair
lefigaro.fr