Je le confesse, j’aime le chant dont les mots parent les idées. Cette adresse à Nathalie puise à la fois dans l’Ethique à Nicomaque, pour la ‘délibération sur ce qui est bon pour l’être humain’, et dans les ‘phrases sobres’ de la guide de Gilbert Bécaud. Les mots voyagent en grand arroi. Je les choisis donc ici avec soin. D’abord pour vous dire que cette adresse ne vous est pas dédiée intuitu personae. Tout en vous remerciant, en étant telle que vous êtes, de faire exister cette figure à laquelle je puis destiner la présente parole. Certes, vous n’êtes pas la seule, dans votre formation politique, à n’avoir pas dévié de vos convictions républicaines lorsque les stratégies équivoques et les arrière-pensées en emportaient plus d’un. D’autres femmes, d’autres hommes ont conservé leur cap.
J’entreprends cette conversation parce que vous avez fait savoir que vous alliez vous abstenir sur le projet de loi mariage et adoption pour les couples de même sexe. Dans le tourbillon des offensives, tant de griefs furent imputés à la circulaire qui, vous le savez, n’octroie aucunement la nationalité, mais rappelle à nos greffes que lorsque la nationalité a été formellement établie conformément aux dispositions des articles 18 et 47 du code civil, il n’existe pas de raison de droit de refuser de délivrer leur certificat de nationalité à ces enfants français.
Dans l’immédiat et plus tard, chacun pourra expliquer un vote pour, un vote contre. Par le temps qui passe, l’abstention, sur un sujet de société majeur, s’obstine toujours à demeurer énigmatique ou se prête aux plus fantaisistes interprétations. Et lorsque sera retombée l’effervescence artificielle autour de la circulaire, se sera dans le même temps évaporée cette entrave qui pendant deux semaines aura un peu fait leurre.
Vous le savez, ce projet de loi vise à reconnaître à deux adultes de même sexe de pouvoir organiser leur vie conjugale et leur vie familiale selon les mêmes choix que les couples hétérosexuels. Ils pouvaient le faire par l’union de fait, puis depuis quelques années par le contrat civil. Ils n’avaient pas accès au mariage. Contrat entre deux personnes, le mariage est aussi et d’abord une institution au titre des règles d’ordre public qui en découlent. Mais le mariage contient également une forte charge symbolique, du fait de la mémoire qu’il transporte et des marques qu’il porte des conquêtes de la laïcité sur l’état civil, des acquis d’égalité, pour les femmes, puis pour les enfants. C’est ce mariage-institution qui s’ouvre aux couples de même sexe. La maison commune, pas une cabane à part.
Vous le savez, je ne vous appelle pas à la rescousse. Ce texte sera voté. Je pourrais ajouter ‘si l’Assemblée y consent’. C’est devenu une politesse superflue. La forte et constante mobilisation des Députés des quatre groupes de la majorité, leur implication active depuis plusieurs mois sur ce texte ne laissent guère de doute sur l’issue du scrutin. Je ne vous appelle donc pas au secours. Je vous appelle à vous-même. Et ce faisant, en espérant que ni les mots ni le ton n’ont changé la nature de cette conversation, je m’adresse à celles et ceux qui hésitent encore,
‘Tiens vis-à-vis des autres ce que tu t’es promis à toi seul. Là est ton contrat.’ C’est René Char qu