Comme prévu, le tribunal de première instance de Fès a prononcé, en début d’après-midi, ce jeudi, son verdict dans l’agression d’un homme, âgé de 25 ans, supposé homosexuel. La cour a condamné les deux accusés à quatre mois de prison ferme et à payer chacun une amende de 500 dh (soit environ 46 euros).
Une honte ? La semaine dernière la défense de la partie plaignante avait demandé seulement « un dirham » symbolique en guise de dédommagement.
Les deux inculpés dans cette affaire appartiennent à un mouvement salafiste traditionnel : Addawa wa Tabligh. Ils sont vendeurs ambulants de jus d’orange. Dans la soirée du 29 juin, ils se trouvaient au même endroit que la victime.
D’autres individus avaient participé à l’agression mais n’ont pas été poursuivis, contrairement à ce que les ministères de l’intérieur et de la justice et des liberté avaient promis dans un communiqué diffusé à ce sujet.
La victime avait été rouée de coups, à la suite d’un différend avec un chauffeur de taxi, qui a incité les passants à la violence envers lui en hurlant que la victime est une « tapette, tapette… ».
Après sa fuite vers un autre taxi pour y trouver refuge, la foule d’agresseurs l’a encerclé et l’a sorti pour continuer à le frapper, jusqu’à le poursuivre devant un des centres commerciaux environnants où il va réussir à abriter.
Lorsque les autorités policières sont arrivées, ils ont tenté de disperser la foule et ont conduit la victime à la permanence de police où il a passé la nuit « sans boire ni manger » selon ses propos à l’association Aswat.
Le jour suivant, il a été conduit à l’hôpital El Ghessani par la police pour demander un certificat médical qui lui a été refusé par le médecin responsable du service d’urgences. Toujours selon les dires de la victime, « le médecin ne l’a pas examiné et s’est limité à dire que son état était stable et qu’il n’y avait pas à s’inquiéter ». La victime n’a pu obtenir un certificat médical que 4 jours après l’agression, auprès d’un médecin d’une structure hospitalière privée, qui lui a délivré un certificat médical d’un durée de 21 jours. Ainsi, on peut noter que la victime a subi une discrimination dans l’accès aux services de santé.
Pendant le procès, 72 avocats représentant l’ordre des avocats de 16 barreaux du Maroc ont pris la défense de la victime. Ils et elles ont défendu le droit de tout citoyen à la vie et à l’intégrité physique tel qu’énoncé à l’article 3 de la déclaration universelle des droits de l’Homme, qui stipule que « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne » ainsi qu’à l’article 20 de la constitution marocaine qui stipule que « le droit à la vie est le droit premier de tout etre humain. La loi protège ce droit », et à l’article 22 de la même constitution « il ne peut être porté atteinte à l’intégrité physique ou morale de quiconque, en quelque circonstance que ce soit, et par quelque partie que ce soit, publique ou privée ». Les avocats ont également soutenu que l’agression de la foule était une forme de torture qui est condamnée par l’article 4 de la convention contre la torture « Tout Etat partie veille à ce que tous les actes de torture constituent des infractions au regard de son droit pénal. Il en est de même de la tentative de pratiquer la torture ou de tout acte commis par n’importe quelle personne qui constitue une complicité ou une participation à l’acte de torture ». L’Etat est donc responsable de ces atteintes. Il est ainsi important de poursuivre les autres agresseurs qui ont fuit la justice. Il est à noter que la police judiciaire n’a pas recherché les autres agresseurs.
Aussi, le parquet n’a pas reconnu le droit à l’intégrité morale de la victime en rejetant la demande des avocats de la défense de réparation des dommages psychologiques subis par la victime, caractérisés par la peur permanente dans laquelle elle vit depuis son agression, selon ses déclarations. Elle explique ainsi son déménagement dans un autre quartier de peur d’une autre attaque, sachant que son identité a été divulguée dans les médias.
Un des avocats a ajouté que ce que la victime a subi est une forme de discrimination, que l’orientation sexuelle n’est pas lié à l’appartenance à une couleur, une religion ou un pays mais constitue un droit, que les droits de minorités sont partie intégrantes des droits humains, et doivent être défendus à ce titre.
En conclusion, le collectif Aswat appelle à l’arrêt de toutes formes de discrimination contre les citoyennes et citoyens, particulièrement sur le fondement de leur sexualité et de leur genre, dans l’accès aux droits, notamment au droit à la santé et à la justice, et à l’arrêt de la criminalisation des LGBTI sur la base de leur apparence et de leur allure non conformes à la norme, ce qui va à l’encontre des lois nationales et internationales, ce qui n’a pas été pris en considération dans plusieurs affaires dans le passé. Le collectif demande également l’abrogation de l’article 489 du code pénal marocain qui criminalise les actes homosexuels, car l’existence de cette discrimination légale est un des facteurs favorisant la discrimination sociale des personnes homosexuelles, bi et trans. L’égalité entre l’ensemble des citoyens est ce qui permet de mettre fin à ces formes de discrimination et d’injustice.
Merci au Collectif Aswat pour ces informations.