Fatym Layachi, actrice et réalisatrice marocaine, s’est indignée dans sa chronique sur le site telquel, du sort des deux victimes de l’agression de Beni Mellal, battues puis jetées en pâture dans la rue, avant de se retrouver inculper pour « homosexualité ».
« Ne pas approuver une manière de vivre est un choix personnel qui relève de l’ouverture d’esprit de chacun. Mais de là à violer l’intimité de quelqu’un, le lyncher et se prendre pour le Zorro d’une morale obscure, il y a un énorme pas. Et ce pas a été tristement franchi. Et maintenant où on va ? », s’interroge la jeune femme, qui s’inquiète pour son frère. Il risque en permanence entre six mois et trois ans de prison ferme, « parce qu’il n’a pas d’amoureuse, mais un amoureux. »
Dans le sillage des organisations de la société civile marocaine qui appellent les autorités marocaines à abroger l’article 489 qui criminalise les homosexuels, Fatym Layachi exhorte également son pays à respecter les droits humains :
« Ton frère, c’est un mec bien. C’est un mec tout lisse et sans histoire. C’est le genre de mec que tu trouves plutôt chiant. Enfant, même pour les coloriages, il ne dépassait jamais les lignes. Et forcément, aujourd’hui adulte, c’est quasiment la même chose. Il a fait de bonnes études, de super-stages, a été un employé modèle dans une multinationale puis a décidé de monter sa petite boîte d’informatique. Ça marche super-bien. C’est un bon patron qui se préoccupe du confort de ses salariés, un bon fils qui fait de jolis cadeaux à sa mère et un bon citoyen qui paye ses impôts. Vraiment un mec sans histoire, donc…
Il y a quelques jours, deux hommes étaient chez eux, dans l’intimité de leur chambre, derrière les murs de leur maison. Ils étaient seuls, ni toi ni personne ne pouvez affirmer ce qu’il se passait derrière ces murs. Dieu seul sait ce qu’ils faisaient. Et pourtant, une bande d’excités s’est prise pour un dieu omniscient, le courroux en plus et la miséricorde en moins. Ne pas approuver une manière de vivre est un choix personnel qui relève de l’ouverture d’esprit de chacun. Mais de là à violer l’intimité de quelqu’un, le lyncher et se prendre pour le Zorro d’une morale obscure, il y a un énorme pas. Et ce pas a été tristement franchi. Et maintenant où on va ? Parce que la délation, le marquage des individus selon leur mode de vie, et autres classifications angoissantes rappellent les heures les plus sombres de l’histoire et sont les prémices d’un gouffre de barbarie dans lequel il est encore possible de tomber au 21e siècle. Tu te demandes un peu ce qu’on veut. Il faut choisir quel type de société on veut bâtir. Vers quel idéal on tend.
Et à celui qui te dira que tu fais l’apologie de la perversion, que tu es une vendue à un Occident maléfique, que tu veux ébranler la foi de ton voisin, égorger le chat de ta voisine, ou Dieu seul sait quelle effrayante fantaisie, tu n’as même pas envie de répondre. À celui qui considère que l’homosexualité est une perversion, tu ne peux que lui espérer une bonne aération mentale. Aujourd’hui, tu n’as pas le cœur au débat ou au combat idéologique. Ce qu’il vient de se passer est bien plus grave. Et d’ailleurs, ce n’est même pas d’un combat dont il s’agit, il s’agit juste de respecter les droits humains. Tu n’as plus le droit de fermer les yeux. Plus personne n’a le droit de faire semblant de ne pas savoir. Tu es complice et si tu restes silencieuse, tu seras coupable de ce que subissent tes frères et sœurs qui ne sont pas amoureux de la même façon que toi.
Qu’il y ait des gens qui pensent encore en 2016 que l’homosexualité est une perversion, ça te rend triste. Mais qu’une loi enferme des gens pour leur orientation amoureuse, ça te révolte. Alors, aujourd’hui, tu es triste à en pleurer et furieuse à en hurler. Aujourd’hui tu es révoltée contre le Code pénal de ton pays et en même temps tellement malheureuse qu’une bonne partie de tes concitoyens semble sombrer dans une violence haineuse. Comment en est-on arrivés là ? Comment ce pays dans lequel tu as grandi et qui a toujours été une belle vitrine de tolérance a-t-il pu en arriver là ? »
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