Cette « cure », proposée par un médecin bavarois, suscite un véritable tollé. Joint par téléphone, le gourou de l’hétérosexualité semble convaincu de venir en aide aux homos.
Incroyable mais vrai : l’histoire se passe en 2011 et se déroule en Europe. On se pince pour y croire mais il existe des médecins qui tout en indiquant que « l’homosexualité n’est pas une maladie », proposent de venir en aide aux personnes « qui se sentent homosexuelles et qui se trouvent dans une situation de détresse » (sic). Quelques pilules homéopathiques seraient ainsi à même de modifier l’orientation sexuelle de ces brebis égarées… Tel est en tous cas le traitement préconisé sur son site Internet par la BKÄ, une association de médecins catholiques.
« Médecine douce » pour idées dures
Concrètement, l’organisation qui dit s’appuyer sur les travaux de la psychothérapie et convoque à sa rescousse la philosophie et la théologie propose un traitement basé sur des séances avec un psychologue, qui en cas d’échec peut être suivies par la prise de « globuli », des granulées homéopathique composée de microdoses de platine et de beaucoup de glucose.
Et l’association de présenter sur son site Internet, le témoignage d’un gay du Sud de l’Allemagne qui assure avoir « noté avec plaisir un changement » après s’être soumis à ce type de traitement.
Un homme dangereux
A la tête de cette association se trouve le docteur Gero Winkelmann, actif dans les années 1990 au sein du parti de la Ligue chrétienne, proche des mouvements intégristes. Il combattait alors le droit à l’avortement et au divorce et se prononçait contre la dépénalisation de l’homosexualité.
Depuis 1990, date à laquelle l’OMS (Organisation mondiale de la santé) a rayé l’homosexualité de la liste des maladies mentales, le bon docteur a décidé de poursuivre son combat sous d’autres formes, proposant outre les médecines douces, des conférences sur le « droit à la vie ». D’ailleurs, si Gero Winkelmann ne parle pas de « maladie » à proprement parler, il préfère dire « tendance » ou « attirance », son discours est explicite. Selon lui la décision de l’OMS était motivée « par des convictions idéologiques ». Joint par téléphone, le docteur bavarois paraît dangereux non pas par son traitement à base de sucre mais surtout par son côté affable et illuminé.
L’enfer est pavé de bonnes intentions
Si Gero Winkelmann a mis au point ce traitement tant ridicule que dangereux, c’est parce qu’il a reçu « deux ou trois mails d’homosexuels vivant à Vienne et Hambourg qui demandaient de l’aide ». Selon ce charlatan, la médecine se doit de venir en aide à ces personnes « qui se sentent homosexuelles [et qui] se trouvent dans une situation de détresse spirituelle et psychique, et souffrent beaucoup ».
Gero Winckelmann nous apprend aussi que l’homosexualité est héréditaire. Son traitement serait donc également préventif. Là encore, Gero Winckelmann invoque des « théories scientifiques » loin d’être avérées. Sûr de lui, le docteur nous a affirmé :
Il y a une cinquantaine d’années, un homéopathe français est venu donner des cours à l’université de Vérone où j’étais alors étudiant. Je ne me rappelle plus de son nom, mais il nous a montré que si l’homéopathie pouvait soigner la syphilis, elle pouvait désintoxiquer de l’homosexualité ».
S’en est alors suivi un cours de pseudo-médecine aussi loufoque qu’effrayant : un malade de la syphilis, comme de la tuberculose, développerait « une faille de caractère » qui serait héréditaire et visible chez les homosexuels. CQFD ! L’homosexualité est héréditaire et Gero Winkelmann veut donc « aider ces petits-fils d’homosexuels ».
Retrait du texte
L’association allemande des gays et lesbiennes (LGBT) s’est empressée de dénoncer un « traitement inefficace pour une maladie qui n’existe pas ». Sa porte-parole Renate Rampf dénote que cette prise de position est « dangereuse » dans la mesure où « elle se sert de l’inquiétude des jeunes homosexuels et bisexuels ainsi que celle de leurs parents ».
Une semaine après sa proposition de traitement, le docteur Winkelmann est très étonné de la polémique qui a éclaté. Il dit avoir reçu « des lettres très méchantes venant d’ignorants. […] Les malades sexuels mentent parce qu’ils ne veulent pas être diagnostiqués comme malades ».
Devant le tollé, le BKÄ a du retirer de son site Internet les pages les plus polémiques.
Homophobie rampante
Si les positions du BKÄ ne reflètent pas celles de l’Eglise catholique, elles sont révélatrice d’une homophobie rampante. En témoigne, notamment, la décision de l’archevèque de Cologne, le cardinal Joachim Meisner, qui vient de retirer l’autorisation d’enseigner à un professeur de religion, David Berger qui venait de faire son coming out.
L’Eglise protestante n’est pas en reste : en 2009, 30 pasteurs de Westphalie ont ainsi dénoncé, dans une lettre, les penchants homosexuels de l’un des leurs.
Electrochocs
La thèse du docteur bavarois ne se limite pas qu’à l’Allemagne. Le point de vue défendu par les médecins allemands est également diffusé aux Etats-Unis par des groupes religieux radicaux qui, outre la prise de pilules homéopathiques, proposent également des médicaments et parfois même des traitement par électrochocs. La chaine d’informations en continue américaine CNN diffusait cette semaine le documentaire « The Sissy experiment » relatant les pratiques semblables du pasteur baptiste George Rekers, tête de file du mouvement anti-gays américain.
Alors que certains pays donnent les mêmes droits aux couples homos ou hétéros, d’autre en sont encore à considérer les gays comme des malades mentaux. Les militants de l’égalité ont encore du pain sur la planche …
Par Maud Koetschet (Bruxelles) et Laurence Estival (Paris)