Cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende. C’est la peine qu’encourt celui ou celle qui serait tenté « d’assister à des activités d’assistance médicale à la procréation » en dehors du cadre défini par la loi, c’est-à-dire un couple constitué d’un homme et d’une femme. En outre, le code de la santé stipule que « l’insémination artificielle par sperme frais provenant d’un don et le mélange de spermes sont interdits ».
Pourtant, dans le secret de leurs cabinets, il n’est pas rare que des médecins aient connaissance de projets d’homoparentalité qui ne cadre pas avec la législation française. La plupart du temps, des patientes leur demandent d’accompagner des parcours de PMA réalisées à l’étranger, à travers des prescriptions médicales, notamment d’examens ou de stimulation ovarienne. La plupart des professionnels assument ce rôle de coordination.
Une étude publiée dans la Revue d’épidémiologie et de santé publique, en août 2014, montrait aussi que parmi les médecins consultés par des couples homosexuels souhaitant devenir parents, 48,5 % l’avaient été, entre autres, « pour des conseils en vue d’inséminations réalisées par la femme elle-même ». L’échantillon de praticiens ayant répondu à l’étude est trop faible pour qu’il soit considéré comme représentatif, mais il pose une réalité.
« Il suffit d’une seringue ou d’une pipette »
Sonia Eguavoen, sage-femme à Paris, a déjà été sollicitée dans le cadre de projets d’insémination artisanale : « Souvent, les femmes sont bien renseignées. Je leur explique comment calculer leur cycle, voir à quel moment elles ovulent. On aborde aussi la question des infections sexuellement transmissibles. Le matériel n’est pas technique, il suffit d’une seringue ou d’une pipette. »
« On interdit aux femmes d’accéder à un acte auquel elles ont recours de toute façon »
Une gynécologue parisienne, inscrite sur une liste de praticiens « gay friendly », a surtout été amenée à suivre des parcours de PMA à l’étranger, mais évoque un couple de femmes qui souhaitaient réaliser une insémination artisanale : « Elles avaient une réflexion tout à fait aboutie et avaient besoin d’un regard médical. Je me suis assurée qu’elles ne mettraient pas le sperme dans le cul-de-sac vaginal [fond du vagin qui entoure le col de l’utérus]. » La médecin évoque toutefois une situation « compliquée ». Elle a demandé un avis au juriste de son assurance professionnelle, qui a estimé que la continuité des soins devant être assuré, le suivi gynécologique ou obstétrique de ces femmes ne la plaçait pas dans l’illégalité.
Le Dr Pierre Jouannet, membre de l’Académie nationale de médecine et rapporteur de l’étude publiée dans la Revue d’épidémiologie et de santé publique, parle d’un « paradoxe qui confine à l’absurdité » : « On a permis à ces couples de se marier, d’adopter, mais les femmes qui souhaitent procréer pour devenir mères vont à l’étranger ou font des inséminations artisanales en France, et pas dans les meilleures conditions éthiques et sanitaires. » Il poursuit : « Toutes proportions gardées, cette situation ressemble à celle de l’avortement il y a quarante ans. On interdit aux femmes d’accéder à un acte auquel elles ont recours de toute façon. De plus, elles demandent à leurs médecins de les aider. »
La promesse non tenue de la PMA
La procréation médicalement assistée (PMA) n’est pas ouverte aux femmes célibataires ou en couple de même sexe en France, bien que la promesse figure dans le projet du PS pour 2012 et que François Hollande s’y soit déclaré favorable en février 2012 dans un entretien à Tétu. Le gouvernement a renoncé à cette mesure après la mobilisation de La Manif pour tous contre le mariage gay en 2013.
En Europe, la PMA est ouverte à toutes depuis 1988 en Espagne, 1994 aux Pays-Bas ou encore 2007 en Belgique. Sans que l’on puisse déterminer leur nombre, des couples de Françaises se déplacent donc à l’étranger pour concrétiser des projets de grossesse. Mais la démarche est coûteuse (quelques milliers d’euros) et nécessite souvent plusieurs voyages.
Julia Pascual
Journaliste au Monde