Auschwitz : N’oublions pas les victimes tsiganes et homosexuelles du nazisme

N’oublions pas les victimes tsiganes et homosexuelles du nazisme : c’était le message des commémorations des 70 ans de la libération du camp d’extermination nazi d’Auschwitz.

Ilga-Europe (International Lesbian & Gay Association) publiait justement il y a quelques jours un appel conjoint avec des organisations de défense des droits de l’Homme pour nous rappeler que : « Ce jour de commémoration ne doit pas seulement commémorer ceux et celles qui sont morts dans cette tragédie, dit l’appel. La hausse actuelle de la peur et de la haine des autres, de l’extrême droite et des tendances xénophobes qui se traduisent par des comportements anti-Roms, antisémites, homophobes, transphobes, islamophobes et d’autres comportements discriminants, menacent les efforts entrepris pour promouvoir une Europe égale et inclusive. C’est pourquoi nous devons continuer à nous souvenir des conséquences dévastatrices de la discrimination et continuer à promouvoir l’égalité ».

>> En effet, si le nombre de victimes juives du régime nazi dépasse tout entendement (2,8 millions: le nombre de juifs morts dans des camps d’exterminations), la Shoah ne doit pas faire oublier l’extermination des Roms et des homosexuels européens.

Sur Open Democracy, l’historienne Anna Hajkova se demande justement ce que l’histoire peut retenir de l’Holocauste. Pour elle il faut penser une histoire qui dialogue avec toutes les victimes:

«Il y a peut être un héritage finalement: l’idée de développer une histoire plus ouverte et moins catégorique. Une histoire qui laisserait la place aux différentes victimes de génocides.»

On estime qu’entre 5.000 et 15.000 homosexuels ont été détenus dans des camps de concentration sous le régime nazi.

Pour la population tzigane de l’époque, les chiffres sont encore plus élevés. 19.000 personnes seraient mortes à Auschwitz et entre 300.000 et 500.000 dans le reste de l’Europe.

Rien qu’en Allemagne, entre 1933 et 1945, près de 100.000 hommes (dont la moitié a été condamnée) ont été arrêtés en vertu de la loi qui criminalisait l’homosexualité. Un nombre élevé, mais dont on parle rarement à l’école ou dans les commémorations explique Slate.

Selon le site américain, la mort de Gad Beck le 24 juin 2012, considéré comme le dernier survivant gay de l’holocauste, a laissé un vide:

«Il était le dernier témoin vivant et le représentant d’une période de persécution et de souffrance sans précédent, qui a coûté la vie à des milliers d’homosexuels.»

Robert Biedron, un activiste polonais, décrit des scènes d’humiliations quotidiennes pour les homosexuels détenus dans des camps:

«Ils étaient forcés de dormir en chemise de nuit et de garder leurs mains en dehors du lit. A Flossebürg, les homosexuels étaient forcés de fréquenter des prostituées. Les Nazis faisaient même des trous dans les murs pour observer le comportement de leurs prisonniers homosexuels.»

Les Tsiganes aussi, explique Al-Jazeera, connurent une situation similaire.

Déclarés «racialement inférieurs» par les autorités allemandes dans les années 1940, tout comme les Juifs, les Roms ont été victimes d’une campagne déterminée par les nazis pour les rassembler dans des ghettos et des camps de travail et finalement, de les tuer.

Comment alors, commémorer ces morts?

Jusqu’en 1979, les historiens expliquaient que si les Tsiganes avait été tués, c’était parce qu’ils étaient considérés par les Nazis comme des criminels.  Ce n’est qu’après que les chercheurs ont commencé à considérer l’existence d’un Holocauste Tzigane.

En France, il a fallu attendre 2005 pour que Jacques Chirac, alors président de la République, reconnaisse la déportation des Tsiganes et des homosexuels.

Et si l’on en parle plus aujourd’hui, aucun survivant Rom, ou représentant, n’a par exemple été invité à parler lors des cérémonies de commémorations, que ce soit à Auschwitz ou à New York.

Pour Al Jazeera, il y beaucoup à faire pour que le monde n’oublie pas ce qu’il s’est passé.

L’ouverture d’un mémorial de la déportation homosexuelle à Amsterdam ne suffit pas:

«Ce mémorial, peut importe sa forme, ne peut pas nous faire nous souvenir comme un visage humain. Sans des hommes comme Gad Beck et Karl Gorath, et alors que nous nous éloignons collectivement de plus en plus de l’Holocauste, que va-t-il se passer pour la mémoire des déportés gays? Qui va se souvenir d’eux?»

>> 7 lieux de mémoire de la déportation homosexuelle dans le monde

Aux Pays-Bas : Amsterdam a été l’un des premiers pays au monde à consacrer un mémorial aux victimes de l’Holocauste homosexuels, avec le Homomonument en 1987.

Un angle de son triangle pointe vers le Monument commémoratif de la guerre sur la place Dam, un autre vers la maison d’Anne Frank, et le troisième vers le siège du COC Nederland – l’association LGBT fondée en 1946.

En Allemagne : Le Frankfurter Engel, érigé en 1994 et le « Cube de béton » avec une fente sur un côté grâce auquel les visiteurs peuvent voir la vidéo de deux hommes s’embrassant, inauguré à Berlin en 2008, à côté du Memorial de l’Holocauste juif.

Aux États-Unis, à San Francisco en Californie, au cœur du quartier de Castro – où Harvey Milk a été élu et assassiné, en 1978 – le Pink Triangle Park : Quinze colonnes de granit érigées dans le parc – une pour chaque millier de gays et lesbiennes connus qui ont péri dans l’Holocauste.

En Espagne, la ville de Sitges a construit un monument en forme de triangle en 2006, comme un symbole de sa position contre l’homophobie. Bien qu’il ait la forme d’un triangle rose, l’inscription qui l’accompagne ne fait pas référence à l’Holocauste. Elle commémore les soulèvements 1996 dans la ville, qui a vu des affrontements entre militants LGBT et la police.

En Australie, un mémorial financé par un collectif pour la mémoire des victimes gays et lesbiennes de l’Holocauste a été inauguré à Sydney en 2001. Il est situé dans quartier gay de la ville et est géré par le Centre de la fierté LGBT de Sydney.

En Israël, un monument en forme de triangle a été dévoilé à Tel-Aviv en 2014.

Avec Fabien Jannic-Cherbonnel (slate.fr) et reloaded.e-llico.com