L’ancienne ministre, condamnée en décembre dernier pour avoir qualifié l’homosexualité d’« abomination », a publié un livre d’autodérision, dans lequel elle revient sur « les critiques essuyées tout au long de sa vie politique ». De nombreuses illustrations ont d’ailleurs été commandées pour l’occasion à des artistes, qui dénoncent depuis la publication du recueil : « une manipulation », « un livre de campagne politique pour 2017 ».
« Les insolences de Christine Boutin » était annoncé comme « irrévérencieux » et devait mettre « face à face des hommes politiques et leurs caricatures », s’insurgent dans un communiqué commun Baudry, Catoune, Gil, Dominique Goubelle, Marc Large, Na !, ou encore Nawak.
En effet, aucun échange entre les auteurs et la maison d’édition ne précise jamais que le livre sera signé par Christine Boutin, dont les combats sont diamétralement opposés à leurs convictions. « Notre crédibilité de dessinateurs indépendants s’en retrouve sévèrement écornée, pendant que Mme Boutin peut s’appuyer sur nos œuvres pour énumérer ses idées librement. Malgré ce qu’elle en dit, nous n’avons jamais accepté de « jouer le jeu » », expliquent-ils.
« Utiliser des dessins de presse sans informer les auteurs de leur usage et ne pas régler les factures de reproduction dénote d’un certain « mépris » », insiste encore Catoune, dont l’une des illustrations a été utilisée pour faire la couverture du livre.
« Soit Christine Boutin ne savait pas que les dessinateurs n’étaient pas au courant, et dans ce cas, c’est grave parce qu’elle met son nom sur quelque chose qu’elle n’a pas vérifié. Soit, deuxième option possible, elle savait et a fait preuve de « malhonnêteté intellectuelle » en utilisant des dessins sans l’accord des auteurs », ajoute Catoune, qui espère ainsi, comme elle l’écrit sur son blog : « démonter la supercherie de cette femme qui se présente comme « honnête et droite » et mettre en lumière les pratiques scandaleuses de cette maison d’édition ! ». Elle souligne toutefois que « si l’éditeur fait amende honorable et rémunère les artistes, les dessinateurs pourront en rester là » mais concède que l’idéal serait de voir le livre retiré de la vente, puisqu’il est de toute façon « basé sur un mensonge ».
Christine Boutin renvoie à son éditeur « chargé de contacter les dessinateurs », assure-t-elle. Ce dernier réfute toute manipulation, « ils savaient tous que c’était un livre de Christine Boutin, ou alors ce sont des bisounours », défend-il sur buzzfeed.com avançant même une « bronca du lobby gay » pour expliquer la colère des artistes. Il menace à son tour « de foutre ses avocats sur le dossier. »
L’opération de communication se devait pourtant « bon enfant ».
A la course des plateaux pour la promotion de son livre et l’éventualité d’un retour politique, Christine Boutin était justement invitée avec son éditeur ce 23 février du « Grand journal » de Canal Plus. Inhabituellement « appareillée de rouge », dépeinte comme une « belle âme », emprunt « d’humanité, d’amour, de compassion et de vérité », elle aura bien tenté de « redorer » son image, sans pour autant manifester de regret sur les douleurs et dangers qu’elle occasionne par ses commentaires. Détournant la question de sa condamnation pour « provocation à la haine ou à la violence » contre les homosexuels, elle a de nouveau plaidé en faveur de sa liberté d’expression. Et, si elle n’a pas non plus évolué sur le propos du mariage pour tous, ce n’est pas « pour homophobie ».
L’interview complaisante, d’une légende non-urbaine, qui nourrit pourtant l’inspiration des humoristes, ironise Mathieu Madénian, qui conclut en affirmant en fin d’émission que Jésus était gay et qu’il faudra bien s’y faire.
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Sur « Le Brunch politique » de Sud Radio, le dimanche suivant, Christine Boutin a récidivé dans la « polémique », déclarant, comme indiqué dans son livre, que « les femmes ont besoin de vrais hommes et pas de guimauve féminisée » :
« Je suis un peu agacée de voir, mais ça aussi c’est une affaire économique, libérale, les hommes se mettre de la crème, qu’on leur propose des produits pour avoir une peau fine, on voit les hommes s’épiler… moi j’aime bien un homme qui est viril ! »
Rappelons qu’en cinq ans de commercialisation, Christine Boutin n’aura vendu qu’une quarantaine d’exemplaires de son précédent opus. D’où les tentatives de faire le buzz.
stophomophobie.org