Berlinale : « Born this way », témoignage poignant sur les homosexuels au Cameroun

Documentaire américain, présenté en première mondiale à la Berlinale, « Born this way » suit le parcours de Cédric et Gertrude, deux homosexuels de Douala, au Cameroun, l’un des pays les plus répressifs au monde sur ce sujet.

Tous deux travaillent pour « Alternatives Cameroun », une association d’aide aux homosexuels et de prévention du VIH, tolérée à condition de rester discrète, confie Gertrude.

Depuis une loi datant de 1972, toute personne surprise dans un rapport sexuel avec un partenaire du même sexe risque 5 ans de prison au Cameroun. Selon Human Rights Watch, c’est le pays au monde qui emprisonne le plus d’homosexuels chaque année.

Le documentaire présente aussi Alice Nkom, une avocate locale qui défend les homosexuels aux quatre coins du pays, espérant arriver un jour à obtenir un jugement de la Cour suprême du Cameroun annulant cette loi.

Bien souvent le flagrant délit n’est pas nécessaire pour être condamné, ni même des aveux.

L’accoutrement seul peut justifier l’incarcération, comme dans le cas de Jonas et Franky, deux jeunes hommes arrêtés par des policiers qui les trouvaient trop efféminés et condamnés à 5 ans de prison. Défendus par Me Nkom, ils ont depuis lors été acquittés en appel en janvier.

Cédric et Gertrude, les deux principaux protagonistes, n’ont pas – encore – eu d’ennuis avec la justice.

On suit leur vie quotidienne dans la grande cité portuaire: leur travail au centre d’Alternatives Cameroun, en soirées avec leurs amis, ou en famille.

Ils incarnent l’aspiration à la modernité d’une Afrique pleine de ressources, mais où le progrès – qu’il soit économique ou dans les moeurs – tarde parfois à transformer la vie quotidienne. Cédric explique ainsi que son père est mort d’une simple appendicite mal soignée.

Mais tous vivent avec ce secret, qu’il n’osent avouer même, voire surtout, à leurs proches, par peur du rejet.

L’une des scènes les plus poignantes du documentaire est justement la visite que fait Gertrude à la Mère supérieure du couvent où elle a été élevée, une religieuse canadienne, devant qui elle finit par faire son « coming out ».

Autre scène émotionnellement très forte: un monologue de Cédric, quelques jours après une agression par quatre jeunes hommes de son quartier, accompagnée de menaces de mort. Contraint de déménager, il raconte comment il a dû « semer » ses tortionnaires pour ne pas qu’ils trouvent sa nouvelle adresse.

Les conditions de tournage n’ont pas été simples pour les réalisateurs Shaun Kadlec et Deb Tullmann, obligés de filmer clandestinement pour contourner des autorités locales hostiles à leur projet.

Les images ont été tournées lors de trois séjours totalisant deux mois et demi, avec une petite caméra numérique haute définition ou parfois même avec un téléphone portable, dans un tribunal jugeant deux lesbiennes à Ambam, tout au sud du pays, aux confins du Cameroun, du Gabon et de la Guinée équatoriale.

« On a fait toutes les démarches pour avoir un permis de tourner, on a même payé, mais quand on l’a enfin obtenu, il stipulait qu’un officiel camerounais devait nous accompagner à chaque étape », a raconté Deb Tullmann, lors d’un échange avec les spectateurs après une projection, mercredi.

« Le tournage a été un vrai défi à bien des égards », a, de son côté, expliqué Shaun Kadlec. Il s’attendait ainsi à ce que les protagonistes soient beaucoup plus méfiants qu’ils ne l’ont été.

« Je pensais que tout le monde demanderait à rester totalement anonyme. Mais c’est au cours du tournage que la plupart ont décidé qu’ils voulaient qu’on voit leur visage », a-t-il ajouté. Sans doute en avaient-ils assez que « leur pays fasse comme si ils n’existaient pas », a-t-il conclu.