Au bout du fil, une jeune femme expose sa situation : soumise au chantage de son oncle, qui a découvert son orientation sexuelle, Anya craint que son père, membre du gouvernement tchétchène, ne la tue.
Dans cette petite république à majorité musulmane inféodée à Moscou, les homosexuels sont en effet emprisonnés, torturés et parfois exécutés, quand la mort n’est pas infligée par les familles elles-mêmes.
Informé du drame en 2017, David Isteev, de l’association Réseau russe LGBT, mène de courageuses missions de sauvetage visant à placer les victimes en lieu sûr avant de les envoyer dans des pays disposés à les accueillir. Parmi ces survivants, le Russe Maxim Lapunov a été raflé et passé à tabac alors qu’il travaillait à Grozny. Après un passage par le Centre communautaire de Moscou pour les initiatives LGBT+ et un exil forcé, le trentenaire a décidé de témoigner de son calvaire devant la Cour européenne des droits de l’homme, la Russie ayant rejeté sa plainte.
Le président tchétchène Ramzan Kadyrov, soutenu dans ses dénégations par Vladimir Poutine, ne cache pas sa haine des homosexuels et poursuit sa politique de répression en toute impunité.
L’exil ou la mort
Des opérations d’exfiltration sous haute tension au quotidien sécurisant au sein du refuge moscovite, cette remarquable investigation de David France nous immerge aux côtés de militants russes qui risquent leur vie pour protéger les victimes de cette persécution. Au plus près de leurs actions, le film fait aussi résonner la parole puissante et déchirante de ces rescapés, dont le visage a été modifié grâce à une technique novatrice de face mapping pour préserver leur anonymat. Un documentaire essentiel sur un crime de masse ignoré.
En décembre 2018, un rapport indépendant de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a également confirmé les accusations de « harcèlement, persécutions, arrestations et détentions arbitraires ou illégales, torture, disparitions forcées et exécutions extrajudiciaires » perpétrés depuis début 2017 en Tchétchénie à l’encontre de personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes (LGBTI). Mais depuis sa publication, il y a deux ans, les autorités fédérales russes n’ont apporté « aucune réponse » constructive au rapport ou à ses recommandations. Dans cet intervalle, de nouvelles « allégations crédibles » de violations graves des droits humains, continuent d’émerger, notamment l’arrestation systématique et la torture de personnes LGBTI et d’opposants aux dirigeants tchétchènes.
La Coalition pour les droits égaux a d’ailleurs appellé à nouveau, ce 19 avril 2021, la Fédération de Russie à mettre en œuvre les recommandations formulées par le rapporteur du mécanisme de Moscou de l’OSCE dans les plus brefs délais, avec tout particulièrement, le lancement d’une enquête « efficace, impartiale et transparente au sujet de la persécution systématique dont font l’objet les personnes LGBTI en Tchétchénie et de mettre un terme « à l’impunité de ses auteurs. »