Alors que l’échéance de l’élection présidentielle arrive à grand pas (le premier tour aura lieu le 5 octobre et le second le 26 octobre), la lutte entre les deux principales candidates, Marina Silva et Dilma Rousseff, s’intensifie. La question de l’homophobie n’échappe pas à cet affrontement, car le positionnement des candidats sur ce sujet constitue un véritable enjeu sociétal et politique.
Pour comprendre les termes du débat sur l’homosexualité, il faut considérer le Brésil comme un pays à part, où la sphère politique est très liée à la religieuse. C’est en partie à cause de cette tension que l’homophobie au Brésil est d’une ampleur unique au monde. Selon le Grupo Gay da Bahia (GGB), le Brésil concentre le plus grand nombre de crimes à caractère homophobe dans le monde, atteignant au total le chiffre d’un mort toutes les 36 heures.
D’après une étude réalisée en 2014 par l’Université de São Paulo (USP), 7 homosexuels brésiliens sur 10 ont déjà été victimes d’une agression dans leur vie, qu’elle soit verbale ou physique. Maria Pressburger, membre du Comité de prévention de la torture pour l’ONU, confirme ces données et n’hésite pas à déclarer que le Brésil est « un pays homophobe et raciste » en dépit de la Constitution de 1988 qui condamne tous les types de discrimination.
Des décisions controversées
Face à ce constat alarmant, le thème de la criminalisation s’est installé au coeur du débat présidentiel, devenant parfois polémique. Il faut ainsi noter que c’est en 2006, au cours du mandat de Lula, que le projet de loi sur la criminalisation de l’homophobie 122/06 PLC a été lancé. Il propose de considérer comme criminels les préjugés sur l’orientation sexuelle et le genre. Cependant le vote de ce projet de loi n’aura lieu qu’après les prochaines élections, pour éviter de froisser l’électorat évangélique et sa version première sera probablement modifiée.
Au cours de la présidence de Dilma Rousseff, le pasteur Marco Feliciano a également été élu à la tête de la Commission des droits de l’homme et des minorités alors qu’il est ouvertement contre la reconnaissance des droits LGBT. Au début de la campagne pour sa réélection, la présidente défendait la criminalisation de l’homophobie, néanmoins sa position a changé peu de temps après la polémique survenue fin août sur le programme de Marina Silva. Dilma Rousseff reconnaît à présent que la criminalisation de l’homophobie est un sujet délicat qu’elle ne garantit plus de soutenir si elle est élue.
Un discours contradictoire
Marina Silva défend également la criminalisation de l’homophobie en affirmant que « l’homophobie ne doit pas être tolérée par la justice » et que « le cas de l’homophobie est une offense au Brésil », propos recueillis par l’Estadão. Son discours peut pourtant paraître contradictoire, car l’Assembleia de Deus, à laquelle elle appartient, ne reconnaît pas les relations entre deux personnes du même sexe. À l’image de Dilma Rousseff, Marina Silva doit s’accommoder des préférences de son propre électorat et du poids de la pensée évangélique dans le débat. La modification de son programme présidentiel en cours de route confirme cette ambiguïté.
En effet, la plupart de ses propositions initiales qui défendaient la cause LGBT et visaient à mieux protéger les homosexuels contre les discriminations ont été très largement édulcorées de leur substance. De nombreux points ont disparus ou sont désormais traités de manière très vague : « As mudanças no programa LGBT de Marina confrontadas de ontem para hoje… «
Des rétractations « lamentables »
A l’approche du premier tour de l’élection présidentielle, il est probable que les ajustements politiques s’accroissent sur la question de l’homosexualité, Dilma Rousseff et Marina Silva bénéficiant du soutien de la communauté homosexuelle comme d’ailleurs des évangéliques et ne pouvant pas se passer de ces deux électorats. Carlos Magno, le président de l’Association brésilienne des lesbiennes, gays, bisexuels, travestis et transsexuels, juge que les candidats se sont emparés du thème de l’homosexualité pour le faire sortir de l’oubli. Il ajoute qu’il est « lamentable que Marina Silva, qui avait élaboré un programme excellent (avec le soutien de son comité LGBT), se soit rétractée à cause de pressions religieuses, mais cela nous aide car la cause LGBT est au coeur du débat électoral ».
Au final, les réponses apportées ne sont sans doute pas parfaites, mais la plupart des candidats ne souhaitaient pas aborder le sujet dans leurs programmes et sont désormais contraints d’adapter leurs propositions, du moins de considérer la cause LGBT.
Christine REBECHE
lepetitjournal.com – Brésil