Voilà c’est fait, le premier mariage pour tous a été célébré samedi après-midi en mairie de Cambrai. Après onze années de vie commune, Ludovic Hollestelle, 29 ans, a dit oui à Ange Dumont, 37 ans. Et inversement. Un mariage d’amour, mais aussi de raison, le couple ne s’en cache pas et s’en explique, sans tabou, mais avec beaucoup de pudeur.
La cérémonie a été sobre et belle. Pudique aussi. Comme eux. « On n’est pas du genre à s’embrasser en public ou à se tenir la main. C’est une question de respect et je pense que ça doit être pareil pour les hétéros. » À la demande de Ludovic, c’est l’adjointe au maire Monique Bouquignaud, amie de sa famille depuis des années, qui a reçu les consentements mutuels. Non sans émotion. L’élue ne s’est pas contentée de la lecture protocolaire du code civil, mais a gratifié les époux d’une ode à la vie écrite par Mère Térésa. Le genre de texte qu’on ne choisit pas par hasard. « Mme Bouquignaud connaît mon histoire », confirme Ludovic, prêt à rembobiner la cassette.
Avant sa rencontre avec Ange, le jeune homme vivait en couple avec une femme, la maman de son petit garçon, âgé aujourd’hui de 10 ans. « J’ai découvert qu’elle était lesbienne, je n’ai pas accepté la situation. » Alors installé à Paris, où il est directeur de plateau sur l’émission M6 Boutique, Ludovic revient à Cambrai visiter sa grand-mère, souffrante. Passe une soirée dans un café, et rencontre Ange. C’était le 14 avril 2002. « Lui venait de se séparer de son copain. On s’est raconté nos malheurs autour d’un verre. Je n’avais jamais été attiré par les hommes, je ne m’étais même jamais posé la question, mais j’avais envie de me venger de ma copine, je voulais lui faire ce qu’elle m’avait fait. En fait oui, notre relation est partie d’une vengeance… », sourit Ludovic, qui s’est fait prendre à son propre jeu.
Rentré à Paris, il ne pense qu’à revenir pour retrouver Ange, dont il est ni plus ni moins tombé amoureux. Mais le garçon n’est pas du genre à tergiverser pendant des lustres. « J’ai tout quitté, ma ville et mon emploi, et je me suis installé à Cauroir, chez lui, avant qu’on prenne un appart ensemble à Cambrai. »
Jusqu’en 2008, pas d’ombre au tableau. Mais la sclérose en plaque de Ludovic, contractée à l’adolescence suite au vaccin contre l’hépatite B, se réveille violemment cette année-là. À cause d’un traitement de cheval à la cortisone, le jeune homme souffre de nécrose des hanches, nécessitant la pose de deux prothèses. Et puis la poisse s’obstine avec une tumeur au fémur détectée en 2009. « J’ai déjà été opéré quatre fois », précise Ludovic, qui parle sans chichi de sa maladie, de ses rechutes, de sa chimio à domicile, de ses rémissions. Et de fil en aiguille en arrive aux motivations de son mariage. « On était pacsé, pas particulièrement favorable au mariage pour tous et toujours pas à la GMA. Pour des questions d’éthique, d’éducation. Pour nous, la famille, c’était un père, une mère, des enfants. Mais ma tumeur nous a fait réfléchir. Avec le PACS, Ange n’aurait eu aucun droit en termes de succession. Ce sont les enfants, les frères et sœurs qui sont les héritiers dans ce cas-là. Idem pour les parts dans notre société commune. » Le couple a en effet créé une société d’élevage canin (buldogs anglais) et envisage de se lancer aussi dans les parfums d’ambiance.
Au-delà de ces « avantages » juridiques, le mariage offrait aussi à Ange et Ludovic l’occasion rêvée de réunir leurs familles et amis avant de s’envoler à la fin de l’année pour les États-Unis. « J’ai la possibilité de tester un nouveau traitement à Chicago. Ça doit prendre un mois, mais on ne reviendra peut-être pas en France. Si on trouve une ferme, un endroit qui nous plaît, on entreprendra les démarches pour rester là-bas, dans un état bien sûr qui accepte le mariage homosexuel. »
Par GAËLLE CARON
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