Le corps d’Eric Ohena Lembembe a été retrouvé sans vie, lundi soir. Au début du mois, ce responsable d’une ONG avait tiré la sonnette d’alarme face à une recrudescence d’attaques homophobes.
La communauté des défenseurs des droits de l’homme au Cameroun est sous le choc après le décès d’Eric Ohena Lembembe. Ce journaliste, bloggeur et directeur d’une association de lutte contre le VIH a été retrouvé mort par des amis, à son domicile de Yaoundé, lundi soir. Sa nuque et ses pieds auraient été brisés. Son corps montrait, en outre, des traces de torture. Il aurait été brûlé avec un fer à repasser, rapporte l’Associated Press (via).
Ce meurtre survient après une nouvelle flambée de violences homophobes dans ce pays, l’un des plus répressifs d’Afrique de l’Ouest à l’encontre des minorités sexuelles. Les locaux d’Alternatives Cameroun, à Douala, ont notamment été la cible d’une tentative d’incendie, le 26 juin dernier. Le 1er juillet, Lembembe lui-même avait fait part de sa préoccupation face à ce regain de violence: «Il n’y a aucun doute: des bandes antigay prennent pour cible ceux qui soutiennent les droits égaux. Hélas, le climat actuel de haine et d’intolérance religieuse au Cameroun conforte les homophobes dans le fait qu’ils peuvent perpétrer ces crimes en toute impunité.»
Impunité
«C’est une grande perte pour notre communauté et nous avons un peu peur de ce qui pourrait nous arriver maintenant», a confié Yves Yomb, responsable d’Alternatives Cameroun. Neela Ghoshal, une chercheuse de Human Rights Watch (HRW) qui travaillait avec Lembembe a salué la mémoire du militant. «Eric avait plein d’énergie et pas mal de courage, parce que pour faire ce genre de travail au Cameroun, on prend des risques. Le climat est tellement homophobe que les gens qui travaillent pour les droits des gays et des lesbiennes savent qu’ils prennent des risques énormes et reçoivent souvent des menaces de mort», a-t-elle déclaré au micro de RFI. Le Département d’Etat américain a pressé les autorités de Yaoundé de faire toute la lumière sur ce meurtre. L’enquête sera suivie de près par HRW, qui constate toutefois: «Ce qui nous inquiète c’est que dans les précédents incidents impliquant des violences ou des menaces homophobe, la police a fait le minimum, mais n’est jamais au-delà des déclarations. On attend de voir si la police mènera une investigation sérieuse sur cette affaire.»
>> De nombreuses ONG dénoncent régulièrement les arrestations et emprisonnements de personnes homosexuelles au Cameroun, de même que les nombreuses pressions et menaces à l’égard des défenseurs de leurs droits.
En 2012, le bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme (HCDH) avait estimé «particulièrement inquiétant de recevoir des témoignages de menaces anonymes à l’encontre des défenseurs de droits de l’Homme travaillant à la protection des droits des lesbiennes, gais, bisexuels et transgenres (LGBT)»