Emprisonné pour une déclaration d’amour par SMS, Roger Mbede est mort séquestré par sa famille. L’avocate genevoise qui l’a défendu témoigne.
Il était devenu – bien malgré lui – un symbole de la lutte pour la dignité des homosexuels africains. Le Camerounais Roger Mbede est mort dans son village, le 10 janvier. Le calvaire de cet étudiant en philosophie de 34 ans avait frappé l’opinion mondiale. En mars 2011, il avait été arrêté pour avoir envoyé un SMS amoureux à un autre homme – un responsable de la présidence camerounaise. Le message, très chaste, lui avait valu une condamnation à 3 ans de prison pour homosexualité, un crime passible de 5 ans de détention au maximum, en vertu du Code pénal camerounais.
Roger avait été remis en liberté provisoire en juillet 2012, en attendant un procès en appel. L’avocate genevoise Saskia Ditisheim avait participé à sa défense pour Avocats sans frontières. «L’ambiance était électrique, se souvient-elle. Comme nous avions tous reçu des menaces de mort, nous étions accompagnés de gardes du corps.» Verdict: condamnation confirmée. «Le Cameroun est le pays le plus répressif d’Afrique, rappelle la Suissesse. Dans beaucoup d’autres Etats, l’homosexualité est certes illégale, mais les lois ne sont pas appliquées.»
Déshonneur familial
Roger avait alors choisi la clandestinité pour éviter les sévices qu’il avait subis dans la prison de Kondengui, l’une des pires du pays. Il espérait également obtenir l’asile en Europe. D’autant plus qu’il avait découvert qu’il était atteint d’un cancer. Opéré plusieurs fois en 2013, il a fini par être renvoyé chez ses parents – faute d’argent. Ceux-ci l’ont séquestré et privé de soin «dans le but qu’il meure et qu’il puisse laver le déshonneur de son clan», selon des militants. Une plainte devrait être déposée contre la famille.
«L’homophobie prend des proportions de plus en plus catastrophiques au Cameroun, estime Saskia Ditisheim. Difficile de dire pourquoi. Certains pensent que c’est en lien avec l’adoption du mariage pour tous en France.» De surcroît, des rumeurs sur de prétendues conspirations gay au sommet de l’Etat entretiennent une atmosphère de paranoïa face à l’homosexualité. L’été dernier, des bars réputés comme lieux de rencontre gay ont été pris pour cible par des groupe de jeunes militants du parti au pouvoir, comme l’a rapporté «360°».
Fêlure
Roger était «quelqu’un d’intelligent, de calme et de charmant, rappelle l’avocate. Il avait reçu le soutien de nombreuses ONG et des sacs entiers de lettres du monde entier. Pourtant, il y avait en lui cette fêlure: une très grande tristesse d’être rejeté à cause son orientation sexuelle.»
Par Arnaud Gallay
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