Il défend des gays et des lesbiennes dans un pays où l’homosexualité reste un délit: Michel Togué, avocat camerounais, se dit menacé de mort et cherche la protection des Etats-Unis, qui suivent de près avec des ONG le sort des homosexuels au Cameroun.
Michel Togué, inscrit au barreau de Yaoundé, est réputé, avec sa consoeur Alice Nkom (photo), pour défendre des personnes LGBT. Ils ont été les conseils de deux jeunes Camerounais acquittés en appel en janvier à Yaoundé et dont la première condamnation en 2011 à cinq ans d’emprisonnement pour homosexualité avait suscité un vif émoi international.
Mais depuis cinq mois, Me Togué affirme recevoir par téléphone, courrier électronique et SMS des « menaces de mort » qui visent aussi sa famille. Il s’en était ému en octobre auprès de l’AFP à Yaoundé et l’a réaffirmé ces derniers jours à Washington, où il est réfugié avec sa famille.
Il est soutenu par les associations All Out et Robert Kennedy Center for Justice and Human Rights, a été reçu au département d’Etat et a été honoré par l’ancienne secrétaire d’Etat Hillary Clinton.
Les menaces n’ont pourtant pas cessé.
« On m’a dit qu’on enlèverait mes enfants, qu’on en ferait des ‘pédés’ (…) Je me sens vulnérable et ma famille est ici aux Etats-Unis depuis novembre », raconte l’avocat, lui-même arrivé en janvier sur le sol américain.
Ses enfants et son épouse sont « demandeurs d’asile », mais Me Togué compte retourner dans son pays dans les prochains jours car « ce serait lâche d’abandonner, c’est mon devoir de défenseur des droits de l’homme de contribuer à ce que le Cameroun soit plus tolérant ».
Un des pays les plus répressifs
Mais dans ce pays d’Afrique, l’homosexualité est associée à « la sorcellerie, la magie noire », explique Me Togué, qui voit « l’homophobie croître dans la société camerounaise », citant une récente condamnation à « six mois de prison pour le simple fait d’avoir déclaré sa flamme par texto ».
De fait, le Cameroun est l’un des pays les plus répressifs au monde contre les personnes LGBT, dénoncent Human Rights Watch et Amnesty International. En novembre, l’ONU avait appelé Yaoundé à mettre « fin aux arrestations arbitraires et placements en détention » des homosexuels.
La loi camerounaise punit depuis 1972 de cinq de prison les relations entre personnes de même sexe. Quatorze condamnations pour homosexualité ont été prononcées en 2011.
La diplomatie américaine surveille de très près les droits des homosexuels dans le monde.
Avant de quitter le département d’Etat, Mme Clinton avait rendu hommage à « Michel Togué, infatigable défenseur des droits des personnes LGBT grâce au soutien du Fonds » mondial pour l’égalité. Elle avait lancé ce Fonds en décembre 2011 en affirmant que « les droits de l’homme sont des droits des homosexuels et que les droits deshomosexuels sont des droits de l’homme ».
L’avocat camerounais « a rencontré des responsables du ministère pour discuter de la situation des droits de l’homme pour les LGBT au Cameroun », a dit à l’AFP un porte-parole du Bureau de la démocratie et des droits de l’homme au département d’Etat, Aaron Jensen.
Me Togué assure avoir aussi reçu « beaucoup de soutien de l’ambassade de France » au Cameroun, mais « les Etats-Unis ont réagi les premiers » pour l’accueillir temporairement avec sa famille.
Le 30 janvier, le président français François Hollande avait reçu son homologue camerounais Paul Biya, assurant que le Cameroun n’avait « pas de problèmes de droits de l’homme » et qu’il n’avait « pas abordé ce problème » de l’homosexualité avec son hôte, en particulier le cas de l’étudiant Roger Jean-Claude Mbedé, condamné à trois ans de prison pour homosexualité. « Il y a discussion. Les esprits peuvent évoluer dans un sens ou dans un autre mais actuellement c’est un délit », avait conclu Paul Biya.