Bien que Saint-Martin soit une collectivité d’outre-mer de la République française, située dans les Antilles, y faire sa transition se heurte encore à des obstacles en termes d’accès aux soins de santé pour y trouver des spécialistes sur place. Amédée (pseudonyme), un illustrateur franco-saint-lucien de retour dans l’île témoigne, soutenu par l’association Safe 978.
Amédée : « Aujourd’hui j’ai 24 ans, mais en réalité je me sens différent depuis mes 6 ans. Je me suis toujours senti comme un garçon dans un corps de fille. D’ailleurs, ça m’a demandé un peu de temps que de pouvoir m’accepter, mais je ne regrette pas d’avoir franchi le pas et de m’être affirmé en tant qu’homme trans. Toutefois, de retour d’un séjour de 6 ans à Sainte-Lucie, mon île natale, je n’ai pas encore entamé le parcours en vue d’une transition administrative ».
Stop Homophobie : « Quelle est la différence entre vivre sa transidentité à Saint-Martin et vivre sa transidentité à Sainte-Lucie, qui est un État indépendant des Antilles ? »
Amédée : « A Sainte-Lucie, toute perspective de transition administrative, au niveau des papiers et des documents d’identité est impossible, en raison de la législation en vigueur sur place. En outre, l’homosexualité est toujours criminalisée là-bas.
Dans la localité rurale où j’ai vécue, j’étais très isolé et il n’existe que très peu de ressources pour les personnes trans, afin de pouvoir les accompagner face à leurs questionnements.
Dans ce contexte, je suis revenu à Saint-Martin, sur la partie française de l’île, car j’y ai trouvé un environnement un peu plus propice à mon épanouissement, bien que j’aie le sentiment d’être le seul homme trans, comme si ma situation était unique.
Néanmoins, je dois dire qu’ici, j’ai trouvé de l’écoute et de l’empathie dans l’écosystème associatif saint-martinois, alors qu’à Sainte-Lucie, les jugements moraux et religieux blâment la transidentité.
Les gens là-bas ne cherchent pas à comprendre et il faut adopter la norme hégémonique dominante cis-hétéronormative pour espérer être respecté. Si l’on n’est pas fort psychologiquement, l’on peut vite se sentir écrasé. Au quotidien, dans le village d’origine de mes parents, les discriminations étaient légions : à l’église, au travail et même au restaurant. Heureusement, je peux m’appuyer sur le soutien de certains membres de ma famille, ici, à Saint-Martin. Cependant, je pense que ma situation sera meilleure une fois que j’aurais terminé ma transition ».
Stop Homophobie : « Faire sa transition médicale à Saint-Martin, est-ce possible ? »
Amédée : « Pour l’instant non et c’est pour cela que je compte partir. Par contre dans la région, il est possible d’effectuer sa transition médicale en Martinique, à moins de se rendre en Europe, dans l’Hexagone.
Pour l’heure, j’essaie de voir comment je puisse sortir de mon isolement et j’aimerais bien pouvoir entrer en contact avec d’autres hommes trans vivant dans le bassin caribéen.
A Saint-Martin, j’observe qu’il manque d’évènements dédiés à la communauté trans et il faudrait que des mesures soient prises pour accroître davantage notre sécurité dans l’espace public.
En attendant, je me rêve un futur en Angleterre en tant qu’illustrateur à Londres, car pour moi cette ville symbolise l’espoir et la liberté, autant que des perspectives professionnelles prometteuses.
S’il y a quelque chose que j’aimerais que les gens retiennent de mon témoignage, c’est qu’il ne faut jamais se laisser décourager quand on est une personne trans, nonobstant les obstacles de la vie. C’est aussi pour cela que je me refuse à l’avenir à renoncer au rêve de fonder une famille et d’avoir des enfants ».