La dernière loi criminalisant l’homosexualité sur le continent américain était débattue devant la Cour suprême du Belize, cette semaine. Le recours déposé par le militant Caleb Orozco déchaîne les passions et les haines.
«C’est notre droit, en tant qu’Etat souverain, de maintenir la Section 53 aussi longtemps que nous le voudrons». Devant la Cour suprême du Belize, le procureur général de ce minuscule pays d’Amérique centrale a martelé ses arguments pour maintenir la dernière loi qui criminalise encore l’homosexualité sur le continent américain. Le texte, qui punit les «rapports charnels» entre adultes consentants de même sexe de 10 ans de prison, fait l’objet d’une contestation émanant du groupe LGBT United Belize Advocacy Movement (UniBAM) et de son président Caleb Orozco.
Dans un pays qui ne compte que 330’000 habitants, ce militant gay de 39 ans focalise toutes les conversations. Et toutes les haines. «On menace de me tuer, de me brûler, de m’abattre… tout ce que vous voulez. Cela doit cesser. Nous sommes tous Béliziens. On peut être en désaccord sans devenir violents», a récemment déclaré celui qui s’est fait traiter d’ «antéchrist». Des appels au meurtre circulent sur les réseaux sociaux, affirmant qu’ainsi, le recours à la Cour suprême s’éteindrait.
Outil d’extortion
L’instance doit statuer sur la possibilité que la Section 53 viole des libertés fondamentales inscrites dans la Constitution du pays: droits à la diginité, à la protection, à la vie privée. Même si le texte n’est plus guère utilisé pour faire la chasse aux homosexuels, il l’est «comme un outil d’extorion, comme arme pour intimider et harceler», rappelle Caleb Orozco.
Pendant les quatre jours de débat, les principales Eglises du pays se sont opposées avec virulence au projet de décriminalisation de l’homosexualité. De concert avec le Gouvernement, elles se sont offusquées d’une ingérance dans les affaires béliziennes. Pour elles, Orozco et UniBAM sont les instruments d’un lobby gay – international, riche et puissant – sans mentionner que c’est un mouvement évangélique basé aux Etats-Unis qui fédère les opposants.
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Importation coloniale
De fait, le recours d’UniBAM, a bénéficié de l’appui de plusieurs ONG basées au Royaume-Uni, dont celui de l’Association des avocats du Commonwealth. Lord Goldsmith, ancien procureur général britannique, s’est lui-même impliqué. «C’est un comble qu’on ait tant jasé sur la question de savoir si mes clients sont des étrangers, a-t-il relevé, alors que la loi que l’on veut préserver ici est elle-même une importation coloniale, l’héritage de la domination britannique.» Pour Jonathan Cooper, directeur de Human Dignity Trust, une autre ONG britannique qui soutient le recours d’UniBAM, Orozco est «un grand défenseur des Droits humains de notre temps. Il est remarquable et courageux. Il devrait être célébré par les Béliziens et non attaqué».
Le verdict de la Cour suprême devrait tomber dans le courant de l’été. Dans tous les cas, l’affaire pourrait avoir un fort retentissement dans la région. Après la Cour suprême nationale, le recours pourrait se retrouver devant la Cour de justice des Caraïbes, dont le Belize est membre, tout comme la Jamaïque et plusieurs pays pénalisant encore les rapports homosexuels entre personnes consentantes.
par Antoine Gessling
360.ch