STOP homophobie, Mousse, Adheos et Grey Pride déposent plainte avec constitution de partie civile, ce lundi 12 septembre, contre Caroline Cayeux pour injure et appel à la haine homophobes. La ministre avait en effet réaffirmé en juillet dernier que le mariage et l’adoption des homosexuels étaient un « dessein qui va contre la nature ». Malgré le classement sans suite du parquet, les associations ont décidé de forcer le procès en saisissant le juge d’instruction.
En avril 2013, alors sénatrice LR de l’Oise, Caroline Cayeux avait qualifié l’ouverture du mariage et l’adoption pour toutes et tous de « dessein qui va contre la nature », avec le risque de « dégâts » si « plus rien n’arrêtait le désir ».
« Je pense que l’exigence du mariage homosexuel, et l’adoption des enfants qui va avec, n’est pas simplement un dessein qui va contre la nature. C’est plus grave, parce que l’on ne débat pas sur la question des limites. »
Des propos que Caroline Cayeux a indiqué maintenir, en juillet 2022, interrogée sur la matinale de Public Sénat, alors nouvellement promue Ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales.
« Je maintiens évidemment mes propos. Mais j’ai toujours dit que la loi, si elle était votée, je l’appliquerais. Et puis je vais vous dire quand même que j’ai beaucoup d’amis parmi tous ces gens-là. »
Une infériorisation insultante des homosexuels
« Caprice », « ouverture de droit irrespectueuse de la nature et insensée »… Pour Caroline Cayeux, les personnes homosexuelles ne seraient pas, comme les personnes hétérosexuelles, douées de la faculté d’avoir des sentiments forts légitimant leur souhait de construire un avenir commun en se mariant. Leurs comportements seraient inférieurs aux comportements hétérosexuels et, à ce titre, ne devraient pas bénéficier de la protection légale qu’offre le mariage pour construire une communauté de vie.
De même, il ne serait jamais venu à l’idée de Madame Cayeux de qualifier un mariage entre deux personnes de plus 60 ans de « dessein contre la nature », au prétexte qu’à cet âge il n’est plus possible de procréer. Ses propos ciblent donc bien les rapports affectifs et sexuels entre personnes de même sexe, en les infériorisant vis-à-vis des rapports entre personnes de sexes différents.
Reléguer les unions homosexuelles en dehors de la « nature », c’est nier l’identité sexuelle et affective d’une partie de la population, en opposant les hétérosexuels, du côté de la nature et du bien, et les homosexuels, du côté de l’artifice et du mal.
Le terme « contre-nature » fonctionne ainsi comme une insulte à caractère discriminatoire qui vient frapper les personnes homosexuelles. Caroline Cayeux utilise une rhétorique qui s’ancre dans un discours (dé)passé, pour légitimer et réactualiser la condamnation morale de l’homosexualité.
Un appel à la haine qui s’ancre dans la pénalisation de l’homosexualité
Les débats autour de l’ouverture du mariage et l’adoption pour toutes et tous, adoptée en 2013, avaient déjà libéré la parole homophobe et heurté beaucoup de nos concitoyens. Les années ont passé, plusieurs milliers de personnes homosexuelles se sont mariées, et beaucoup de personnalités politiques, qui y étaient alors opposées, ont fait leur méaculpa. La lutte contre les lgbtphobies est devenue un combat aussi bien à droite, qu’à gauche, et son intégration symbolique au cœur de l’Etat, via la Dilcrah (délégation interministérielle contre le racisme, l’antisémitisme, et depuis 2017, étendue à la haine anti-LGBT) en est la preuve.
Réaffirmer dans ce contexte son opposition au mariage et à l’adoption par des personnes homosexuelles, car cela constituerait « un dessein contre la nature », avive à nouveau un sentiment de rejet contre les homosexuels et la reconnaissance de leurs droits familiaux. Les homosexuels devraient-ils être privés de tout ou partie de leur capacité juridique, comme l’étaient avant eux les esclaves et les femmes ?
Les mots utilisés par Caroline Cayeux, « contre-nature », sont très lourds de sens. Ils renvoient par ailleurs à la terminologie de la répression des homosexuels en France. Etienne Deshoulières, avocat des associations, rappelle que « la loi pétainiste de 1942 utilisait aussi le terme « contre-nature » pour qualifier les relations homosexuelles ». Elle est à l’origine de quelque 10.000 condamnations entre 1945 et 1978.
Aujourd’hui encore, cette expression est utilisée par les législations des pays francophones qui condamnent pénalement l’homosexualité, car considérée comme étant « contre-nature ». Les personnes LGBT+ y vivent un enfer au quotidien. Ne bénéficiant d’aucune protection de l’État, ils subissent régulièrement des arrestations arbitraires et des actes de tortures commises par les autorités, outre le rejet, la discrimination et les violences intrafamiliales.
Voilà la triste réalité à laquelle renvoie cette qualification de « contre-nature », d’où la plainte déposée par les associations.