Chère Frigide Barjot,
Je viens ici, solennellement et devant témoins, te demander de m’accorder, non pas ta main mais une faveur bien plus urgente : arrête de faire caca dans ma boîte mail ! Tous les jours ou presque que ton bon Dieu fait, je reçois en effet un communiqué de propagande signé de ton nom pour m’inviter à la “Manif pour tous” le 17 novembre. Je te le dis, et te prie de considérer cela pour toute réponse, je ne viendrai pas.
Plutôt aller en enfer seul qu’à Denfert avec toi. Écrits en lettres roses (j’ai bien saisi l’allusion : rose = socialos = homos = layette), tes courriels appellent donc à descendre dans la rue “pour le mariage civil homme-femme et la filiation père-mère-enfant, contre le projet de loi de mariage et d’adoption pour tous” et, comme pour tuer dans l’utérus de la bête immonde toute récupération extrême-droitière, “contre l’homophobie”. Le tout emballé sous le slogan “Tous nés d’un homme et d’une femme”, ce qui, en passant, ne devrait pas faire plaisir à Jésus-Christ qui est né, je te le rappelle, de l’accouplement d’un charpentier et du Saint-Esprit.
Note toutefois que j’admire la persévérance de ton combat, Frigide, qui au-delà de ces histoires de noces dégénérées relève d’une forme de mysticisme identitaire contenu dès l’origine dans le choix de ton pseudonyme. Oui, Brigitte Bardot et toi allez finir enfin par vous confondre. Elle dans sa défense des pauvres moutons sacrifiés pendant l’aïd, toi dans celle des grenouilles de bénitiers et de leurs têtards. Elle dans “Et Dieu créa la flamme FN”, toi dans un combo “Viva Maria(ge) !” et “Masculin/ Féminin”. Elle en Harley Davidson, toi en papamobile. Et “Le Mépris” pour vous deux, bande de folles !
Car, ma vieille Barjot, cette croisade que tu mènes aujourd’hui est l’ultime conséquence d’illuminations multiples qui semblent t’avoir grillé quelques ampoules depuis l’époque Jalons. Un court-circuit qui a fait de toi, selon le titre de ton missel paru l’an dernier, une “catho branchée”. Apparemment sur des prises aussi défectueuses que celles de tes positions d’arrière-garde. Remarque, en passant du statut de belle-doche de Karl Zéro à celui de groupie de Benoît XVI, tu as au moins progressé dans les chiffres à défaut de le faire dans les actes. Du temps des insouciances potaches des années 80, tu manifestais avec tes potes à la station Glacière aux cris de “Verglas assassin, Mitterrand complice” et on feignait d’oublier qu’en sous-marins vous écriviez les discours de Pasqua.
Pastiches et pastis constituaient les deux mamelles de votre activisme ambigu. Maintenant, même si cela a le mérite de la clarté, on rigole moins quand vous joignez vos prières à celles des intégristes de Saint-Nicolas-du-Chardonnet pour combattre l’avortement et promouvoir un “modèle de la famille chrétienne” qui a tant apporté de preuves quant à sa solidité morale, surtout chez les de Villiers où l’on s’encule entre frères et chez les Boutin où l’on se marie entre cousins. Dans un vieil article du Point, le journaliste signale la présence chez toi d’un assistant “jeune homo affable” (j’ignorais que la fonction de parasite mondain nécessitait l’emploi d’un assistant, mais admettons) et tu t’y définis comme une “fille à pédés”, heureuse sans doute de brouiller un peu mieux les pistes d’un chemin de croix idéologique qui finit par ressembler à un labyrinthe. Pour cette raison, à ton appel pour une “Humanité durable” je poserai un lapin.
Je t’embrasse pas, t’es devenue trop Lourdes.
Christophe Conte
Source : http://blogs.lesinrocks.com/billetdur/2012/11/12/chere-frigide-barjot/