Depuis le référendum irlandais autorisant le mariage gay, la pression augmente sur le gouvernement allemand, plus précisément sur le Parti chrétien-démocrate.
Car sur la carte de l’Europe, l’Allemagne fait de plus en plus figure d’îlot conservateur, entourée de pays autorisant le mariage pour tous, alors qu’en République fédérale, il n’existe qu’une version soft du Pacs depuis 2001, imposant aux couples homosexuels les mêmes devoirs que ceux des époux hétérosexuels – notamment pour l’attribution de prestations sociales – avec nettement moins de droits en termes d’héritage, de fiscalité, d’informations au conjoint d’un patient à l’hôpital et d’adoption. Il y a quelques années encore, les couples homosexuels candidats au Pacs allemand dans le Land alors conservateur du Bade-Wurtemberg, dans le sud-ouest du pays, devaient se rendre dans les locaux de l’administration chargée de l’attribution des plaques d’immatriculation automobile pour sceller une bien peu romantique «union».
Les militants gays réclament la «fin du mariage à deux vitesses», qui «discrimine» les homosexuels. Lundi, 150 personnalités ont même adressé une lettre à Angela Merkel pour réclamer le mariage pour tous. Parmi les signataires, des politiciens, des sportifs, des artistes, des écrivains et des représentants des milieux d’affaires. Ils demandent à Angela Merkel de laisser les députés s’exprimer en leur âme et conscience pour ou contre le mariage pour tous, sans devoir respecter la discipline de parti. Selon certaines estimations, le mariage pour tous disposerait d’une majorité confortable au Bundestag, avec les voix du SPD, de la gauche radicale de Die Linke et des Verts.
L’opinion allemande est elle aussi plus avancée que le gouvernement : selon le magazine Der Spiegel, 75% des Allemands estiment même que les homosexuels devraient avoir le droit d’adopter s’ils le souhaitent. Les électeurs conservateurs seraient également majoritairement de cet avis, mais dans une moindre proportion. Mardi, le député chrétien-démocrate homosexuel Jens Spahn, a appelé son parti, la CDU, à ne pas sous-estimer les frustrations des gays conservateurs et leurs répercussions politiques. Même l’Eglise catholique allemande a répondu par un silence assourdissant aux commentaires du Vatican qualifiant le mariage homosexuel irlandais de «défaite pour l’humanité».
La Cour suprême pour la fin des discriminations
Les blocages allemands sont à rechercher du côté de la seule CDU. A titre personnel, Angela Merkel n’est pas favorable au mariage gay. Son bras droit, le chef du groupe parlementaire CDU au Bundestag, Volker Kauder, représentant de l’aile droite du parti, y est même franchement hostile : «Le mariage, au sens de la Loi fondamentale, c’est l’union d’un homme et d’une femme», a-t-il répété au lendemain du référendum irlandais. De fait, l’article 6 de la Loi fondamentale – la constitution allemande – est régulièrement évoqué par les plus conservateurs des chrétiens-démocrates pour s’opposer à une réforme fiscale qui serait favorable à tout type de famille et non aux seuls couples mariés, ou au mariage gay.
Le texte protège depuis 1949 le mariage et la famille. Mais en 2002 déjà, les juges de la Cour suprême, à Karlsruhe, avaient estimé que la protection particulière du mariage n’est pas menacée sur les couples du même sexe ont accès au mariage civil. La cour avait même demandé en 2011 au gouvernement de mettre fin aux discriminations dont sont victimes les couples homosexuels.
Plusieurs Länder exaspérés
Lundi, la CDU a décidé une fois encore de ne pas lâcher du lest sur le mariage pour tous, à l’issue d’une réunion de la direction du parti. Il a été notamment décidé de s’en tenir à ce qui avait été décidé dans le programme de coalition négocié avec le SPD, qui n’avait sur ce point pas obtenu d’avancée – contrairement au salaire minimum ou aux quotas féminins à la tête des entreprises. Exaspérés, plusieurs Länder à dominance SPD-Verts, Basse-Saxe en tête, ont annoncé mardi vouloir lancer une initiative de loi au Bundesrat, contrôlé par la gauche. Comme avec le salaire minimum ou les quotas féminins, Angela Merkel sait bien qu’elle devra lâcher du lest sur le mariage homosexuel. Mais elle pourrait être tentée de conserver cet appât pour amadouer les Verts avec qui elle aimerait gouverner après les élections de 2017.