Chantal Jouanno était ce lundi matin l’invitée de France Info. La sénatrice UDI, qui a voté en faveur du projet de loi sur le mariage pour tous, a réagi à la radicalisation du mouvement d’opposition. Elle affirme « ne pas comprendre ce déferlement de violence », qui nuit à la fraternité. La sénatrice s’est également montrée critique envers l’exigence de transparence demandée par le gouvernement.
Après l’Assemblée en première lecture, le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels est adopté vendredi au Sénat. Le scrutin se déroule à main levée, ce qui ne permet pas de comptabiliser les votes des absents. Immédiatement après le vote, les opposants au projet de loi crient donc à la manipulation.
Pour Frigide Barjot, c’est un « coup de force ». » Visiblement, le Président du Sénat a voulu éviter de procéder par scrutin public afin de masquer les divisions de son camp », accuse Jean-Claude Gaudin, président du groupe UMP au Sénat. Pourquoi donc, lui qui en avait la possibilité, n’a-t-il pas demandé de procéder à un vote public (par boîtier) ? Selon son cabinet contacté par Metro , il n’en a pas eu le temps, la mise au vote ayant été « précipitée, alors qu’un orateur devait encore s’exprimer ».
A ce moment-là, aucun tollé ne se fait pourtant entendre dans l’hémicycle. Tout au plus, Gérard Longuet s’étonne-t-il qu’il n’y ait pas de scrutin public, ce à quoi un collègue socialiste lui rétorque : « Il fallait le demander ! » Prenant la parole après le vote, la sénatrice UMP Catherine Troendlé, qui assure la présidence du groupe UMP en l’absence de Jean-Claude Gaudin, demande même à « faire porter une liste des collègues qui souhaitaient voter pour le texte et s’abstenir » dans le compte-rendu du Journal officiel. Les autres présidents de groupe lui emboîtent le pas.
Le détail des votes publié par le Sénat
Conformément à ces demandes, le détail des intentions de vote a donc été publié lundi sur le site du Sénat. Il révèle que si le mariage homosexuel avait été voté en scrutin public, il aurait tout de même été adopté, par 171 voix pour et 165 contre. Sur les 131 sénateurs UMP, 124 se sont prononcés contre, 3 pour et 4 se sont abstenus. Parmi les 128 sénateurs PS, 122 se sont prononcés pour, 2 contre et 4 se sont abstenus.
Partant de ces chiffres, Frigide Barjot affirme à Metro que le vote a été « tronqué ». Selon un communiqué diffusé par la « Manif pour tous », « si on enlève les votes ‘pour’ de 4 sénateurs socialistes ultra-marins qui ont toujours dit et voté ‘contre’, on arrive à 167 contre et 169 pour et le texte aurait été rejeté ». Si elle ne précise pas les noms des sénateurs en question, ils se trouvent forcément parmi les huit représentants socialistes de Réunion, Guyane, Guadeloupe, Polynésie française ou Saint-Pierre et Miquelon. Voici leurs positions sur le projet de loi, recensées par Metro :
– Richard Tuheiava (Polynésie), comptabilisé par le Sénat dans les votes ‘contre’. Frigide Barjot ne peut donc pas y faire référence.
– Maurice Antiste (Martinique), comptabilisé par le Sénat dans les abstentions. Frigide Barjot ne peut donc pas y faire référence.
– Jean-Etienne Antoinette (Guyane), comptabilisé dans les ‘pour’, avait pris la parole durant le débat sur le projet de loi au Sénat : « J’ai l’honneur à la fois redoutable et solennel d’apporter mon soutien à ce projet de loi. » « Reconnaître aux homosexuels la possibilité de se marier (…) constitue une avancée démocratique », avait-il justifié.
– Michel Vergoz (Réunion), comptabilisé dans les ‘pour’, avait également affirmé sa position dans l’hémicycle : « Je confirme mon vote en faveur de l’article 1er de ce projet de loi, qui, je vous le rappelle, traite uniquement du mariage civil – je dis bien du mariage civil – entre les couples de même sexe et de l’adoption. »
– Serge Larcher (Martinique), comptabilisé dans les ‘pour’, également au Sénat : « Je me suis déjà longuement exprimé, à l’écrit comme à l’oral, sur les raisons pour lesquelles je voterai ce texte : souci d’égalité, lutte contre l’homophobie, nécessité pour la loi de prendre en compte les évolutions de la société. »
– Karine Claireaux (Saint-Pierre et Miquelon), comptabilisé dans les ‘pour’, a réagi après le vote vendredi sur Radio Outremer : « Je suis ravie que ce texte ait été voté a une large majorité, c’est une réelle avancée. »
– Georges Patient (Guyane), comptabilisé dans les ‘pour’, avait annoncé sur Twitter dès le 29 mars : « Dans l’émission ‘place publique’ j’ai annoncé que je voterai, lors de son passage au Sénat la loi ‘mariage pour tous' ».
– Felix Desplan (Guadeloupe), comptabilisé comme ‘pour’, avait quant lui prévenu sur Facebook qu’il s’abstiendrait : « Je ne veux pas contribuer à l’affaiblissement du président et de la majorité gouvernementale en m’opposant. » Il a donc changé d’avis.
– Enfin Jacques Gillot (Guadeloupe), comptabilisé dans les ‘pour’, avait annoncé dans la presse qu’il ne soutiendrait pas le mariage pour tous, se prononçant en faveur d’un renforcement du Pacs. Il a donc également changé d’avis.
Bilan : sur les huit sénateurs ultra-marins socialistes, l’un a été comptabilisé dans les vote contre, l’autre dans l’abstention, cinq ont soutenu publiquement le texte avant de le voter et deux seulement ont changé d’avis, dont un abstentionniste. N’en déplaise à Frigide Barjot, si ces deux derniers avaient maintenu leur position initiale (abstention et contre), le mariage homosexuel aurait tout de même obtenu 169 voix… soit tout juste la majorité absolue au Sénat.