Elle ne s’exprimera plus devant le Parlement. Christiane Taubira, ministre de la Justice depuis 2012, a démissionné, mercredi 27 janvier. Quelques heures après l’annonce de son départ, et une conférence de presse lors de laquelle elle a évoqué sur un « désaccord politique majeur », Christiane Taubira a fait la traditionnelle passation de pouvoir avec son successeur au ministère de la justice, Jean-Jacques Urvoas. Un exercice ultracodifié que l’ex-garde des sceaux s’est amusée à bousculer en quittant les lieux à vélo.
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« Je choisis d’être fidèle à moi-même, à mes engagements, mes combats, mon rapport aux autres, à nous tels que je nous comprends », a-t-elle déclaré pour expliquer sa décision, qui a surpris jusqu’à ses collaborateurs, au moment où Manuel Valls défendait en personne, en commission de l’Assemblée, les propositions sur la déchéance de la nationalité. Un texte sur lequel elle n’a cessé de dire son opposition depuis plusieurs semaines. La situation n’était plus tenable.
« Le péril terroriste qui nous menace est grave, imprévisible et nous avons appris à le traquer, nous nous en sommes donné les moyens, nous savons comment le combattre et nous avons montré que nous sommes bien déterminés à l’abattre. Mais je crois que nous ne devons lui concéder aucune victoire, ni militaire, ni diplomatique, ni politique, ni symbolique », défend-elle jusqu’au bout. Fidèle à ce qui a fait sa renommée, elle en appelle au poète Aimé Césaire : « Nous ne livrerons pas le monde aux assassins d’aube. »
« Durant des années, ce ministère a été appauvri », a-t-elle relevé, assurant l’avoir « profondément consolidé, modernisé ». « Le premier atout de ce ministère, ce sont ses ressources humaines », a-t-elle insisté, mettant en avant le « plan de recrutement majeur » lancé sous sa gouvernance.
Sur Canal + l’ex-ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, a réagi, estimant qu’en cas de primaires à gauche, Christiane Taubira « peut rassembler largement » : « Elle a retrouvé sa liberté et, évidemment, elle a de grandes choses à faire dès demain avec nous et sans nous. C’est à elle d’en décider, bien sûr », a-t-elle ajouté.
Christiane Taubira « aura mené avec conviction, détermination et talent la réforme de la Justice et joué un rôle majeur dans l’adoption du mariage pour tous », a salué François Hollande.
Du premier au dernier jour, la droite l’a accusé de laxisme, jusqu’à dériver vers l’attaque raciste, quand la presse extrémiste la compare à un singe ou que des manifestants lancent des bananes à son intention. Cette fois-ci, c’est la bonne pour la Manif pour tous, qui depuis l’année dernière prévoyait d’organiser un pot pour « célébrer » son départ du gouvernement. Le « mouvement obscène de négation de la modernité », comme l’aura également qualifié Claude Bartolone lors des dernières Régionales, via son vice-président Albéric Dumont, a d’ailleurs donné rendez-vous à ses militants place Vendôme. Ils n’étaient plus qu’une poignée mais s’obstinent : « Christiane Taubira a divisé les Français; elle restera dans l’Histoire la Ministre de l’Injustice. Les enfants sont les premières victimes du changement de civilisation qu’elle a initié », a déploré Ludovine de la Rochère sur BFMTV. Tensions, divisions et violences dont la Manif pour tous et acolytes sont pourtant les seuls responsables.
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Dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, les députés de gauche se sont levés pour saluer le départ de la ministre de la Justice.
Face aux attaques, Taubira part satisfaite du « travail législatif considérable » accompli. Le mariage pour tous, qu’elle a défendu bec et ongles à l’Assemblée, restera sa grande réforme. Sa détermination et ses envolées lyriques, lors de débats aussi houleux qu’interminables, la propulse pasionaria de la gauche. L’ancienne ministre tient à citer également la réforme pénale ou celle de la justice civile. Et qu’importe si, une fois passée sa grande loi, elle a peiné à imposer ses idées perdant notamment ses arbitrages sur la réforme pénale.
Ironie ? Virginie Tellenne alias Frigide Barjot a publié un tweet plus inattendu. « Je salue en Christiane Taubira une femme de convictions et lui conseille d’aller jusqu’au bout désormais aux présidentielles 2017 ». Nous ne pouvons qu’espérer que l’ex-Garde des sceaux, candidate à la présidentielle en 2002, suivra ses conseils en 2017.
#DemissionTaubira Je salue en @ChTaubira une femme de #convictions et lui conseille d’aller jusqu’au bout désormais aux #presidentielles2017
— Virginie Tellenne ن (@FrigideBarjot) 27 Janvier 2016
Dans l’hémicycle, Christiane Taubira a souvent fait un peu de poésie et marqué le Parlement. Le 23 avril 2013, après le vote définitif de la loi mariage pour tous, submergée par l’émotion, elle fait une courte déclaration devant les députés. « Nous savons que nous n’avons rien pris à personne », déclare-t-elle, en référence aux opposants à son texte de loi.
Effectivement, nous n’avons rien pris à personne mais vous nous avez donné beaucoup. Alors, merci Madame, pour vos engagements, vos combats et convictions, et pour nous avoir toutes et tous défendus dans cette quête pour l’égalité. Respect !
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