En 1988, furieuses après la proposition de loi « Section 28 » de Margaret Thatcher, un groupe de lesbiennes descendaient en rappel à l’intérieur de la Chambre des Lords, en exigeant que les droits des personnes homosexuelles britanniques soient protégés. Le texte sera finalement abrogé en 2000 pour l’Écosse et 2003 dans le reste du Royaume-Uni. Mais la culture du silence propagée par cette loi, qui empêchait les établissements scolaires et les pouvoirs publics de faire la « promotion de l’acceptabilité de l’homosexualité en tant que prétendue relation familiale », comme actuellement en Russie ou Hongrie, a eu des effets dévastateurs sur toute une génération et notamment certains enseignants, qui vont devoir se battre contre la stigmatisation et la diffamation.
C’est le cas de Jean, professeure d’éducation physique, incarnée par l’actrice Rosy McEwen (« L’aliéniste », « Vesper Chronicles »), contrainte à une double vie pour ne pas dévoiler son homosexualité, au risque déjà de perdre son emploi, alors qu’une relation complexe se noue avec une de ses élèves qui menace de trahir son secret.
Jean, personnage principal, n’a pas existé, mais reste le portrait des femmes lesbiennes de l’époque !
« J’avais la volonté de brosser le portrait d’une femme en proie à son identité plutôt que de faire un drame politique », explique la réalisatrice britannique Georgia Oakley (« Tribeca », « Little Bird »), dont Blue Jean est le premier long-métrage. « En tant que scénariste, je voulais pointer du doigt les petites choses qui empêchent Jean de dormir la nuit, afin de dénoncer plus largement l’homophobie, le patriarcat et la lutte des classes, qui ont fait rage pendant les années 1980 comme elles le font toujours aujourd’hui. »
Pour la plupart des personnes interviewées pendant le processus d’écriture du film, « la Section 28 était quelque chose d’effroyable ». Mais en réaction, tous et toutes se sont rassemblés. « Je voulais trouver le moyen de raconter cette histoire d’une façon qu’on puisse saisir qu’il se passait quelque chose à l’époque, et que les spectateurs comprennent qu’il y avait de l’espoir », poursuit Georgia Oakley. « Je voulais montrer que quelqu’un comme Jean pouvait vouloir participer à des actions militantes, mais ne pouvait pas s’exposer à cause de son métier. Toutes les enseignantes à qui nous avons parlé nous ont dit la même chose. Du genre ‘ça me pourrissait la vie, et pourtant je ne pouvais pas manifester de peur de passer à la TV et d’être renvoyée’ ».
« Je suis fatiguée d’entendre que nous avons fait du chemin en ce qui concerne les droits des personnes gay, alors que de telles lois homophobes (comme la section 28), existent tout autour du globe. J’ai une belle-fille de six ans, et tout ce que j’entends à l’école sont des histoires de ‘papas et de mamans’. Il y a si peu d’éducation à propos des différents types de famille. L’héritage de la Section 28 est encore vivace, et c’est seulement un exemple de l’homophobie institutionnelle que doit endurer chaque jour la communauté LGBTQ+. Nous avons essayé de rappeler tout cela via l’histoire de Jean, de montrer qu’un coming out n’est pas un épisode isolé mais une bataille quotidienne : c’est la décision de corriger le chauffeur de taxi qui a pris votre copine pour votre sœur, c’est le choix de la réponse qu’on donne au camarade de classe de notre enfant quand il nous demande laquelle de nous deux est la ‘maman’, c’est la décision d’extérioriser son identité queer en arborant tel vêtement ou telle coupe de cheveux, ou au contraire de la masquer, pour se faciliter la vie », ajoute Georgia Oakley.
Déjà programmé en France lors du dernier festival Chéris Chéris, « Blue Jean » a également été primé à la Mostra de Venise dans la sélection Giornate degli autori. Le film sort en salle ce 19 avril, diffusé par UFO.