Clientélisme et stéréotypes sexués : A Puteaux, la mairie offre des cartables bleus aux garçons et des roses aux filles

Il y a quelques années, avant que la question des stéréotypes sexistes à l’école ne soit publiquement exprimée et savamment débattue, ça aurait pu être attribué à un défaut de conscience et du maturité de la réflexion sur le sujet des inégalités filles/garçons. En 2014, ça ressemble à une provocation… alors que la polémique sur la théorie du genre agite encore les écoles, même après l’abandon des «ABCD de l’égalité».

À Puteaux, la traditionnelle cérémonie de rentrée fait des vagues cette année. Samedi, les 4.500 écoliers de la ville se sont vu offrir un cartable de couleur différente selon leur genre, lors d’une grande fête organisée avant la rentrée scolaire.

A-Puteaux,-la-mairie-offre-des-cartables-bleus-aux-garçons-et-des-roses-aux-filles-stop-homophobieLes garçons ont, par ailleurs, reçu en cadeau un petit robot à construire, tandis qu’aux filles ont été distribués des livres pour apprendre à créer ses propres bijoux.

Dans un article publié dimanche sur son site, l’opposant au maire Christophe Grébert s’en est ému dénonçant en plus le coût de cette opération.

«Un stéréotype bête et idiot»

Joint par Libération, Christophe Grébert ne décolère pas ce lundi : «C’est du gaspillage d’argent public, pour une opération markéting et clientéliste de la part de la maire. Et chaque année c’est le même matériel qui ne correspond pas aux demandes des enseignants.» Mais d’après lui, le fait de donner un cartable rose pour les filles et un bleu pour les garçons n’est pas forcément un choix idéologique de la part de Joëlle Ceccaldi-Raynaud : «Ce n’est pas un message politique contre la théorie du genre. C’est juste du stéréotype bête et idiot.» Contactée par Libération, la mairie de Puteaux n’a pour l’instant pas réagi.

>> Pourquoi uniquement ces 2 couleurs ? Cartable rose avec un lot de bijoux pour les filles et cartable bleu avec un petit robot à construire pour les garçons… Il s’agit de ne pas se tromper de genre. Comme avant chaque rentrée scolaire, la mairie de Puteaux a organisé samedi 30 août une grande fête pour distribuer des cartables et des fournitures aux 4.500 écoliers de la ville.

Cette fête a coûté 300.000 euros prélevés sur la caisse des écoles, autrement dit de l’argent versé par l’Etat à la ville afin d’assurer – en principe – un bon fonctionnement des établissements scolaires. Cet argent public provient de ce qu’on appelle la dotation globale de fonctionnement (DGF).

Or, seule la moitié environ de cette somme a été dépensée pour l’achat les fournitures scolaires. Le reste est parti dans l’organisation de la fête. Autant d’argent qui aurait du être utilisé pour l’éducation des enfants.

Notons par ailleurs que cette action doublonne l’allocation de rentrée scolaire (entre 362 et 382 euros pour les écoliers et les collégiens) déjà versée par l’Etat aux familles pour acheter des fournitures dont la liste est fournie par les écoles.

Faille supplémentaire : le contenu de ces cartables lui n’est pas choisi par les enseignants. Conséquence : beaucoup de ces fournitures finissent oubliées dans les tiroirs, voire terminent tout simplement à la poubelle, car inutiles.

Au final, cela représente un énorme gâchis d’argent public.

Que faudrait-il plutôt faire ?

Mettre cet argent à disposition directement des établissements scolaires pour l’achat de fournitures selon les besoins des équipes pédagogiques et tout au long de l’année. Cela éviterait ce gâchis d’argent public et permettrait aux familles de faire de réelles économies en n’ayant pas à racheter de fournitures jusqu’au mois de juin.

Comment faire passer une opération clientéliste (on parlerait de « marketing » si c’était une entreprise) pour une aide aux familles. Cette opération est tout le contraire d’une aide : le « cadeau » qu’ils ont reçu, les Putéoliens le payent 2 fois par leurs impôts national et local, et encore 1 autre fois quand ils devront racheter des fournitures scolaires à leurs enfants cet hiver et au printemps.
C’est malheureux que les citoyens – par manque d’information sur la gestion d’une municipalité – se laissent prendre par cela.
Remarquez que le maire a bien raison de continuer de faire des fêtes et d’offrir des « cadeaux », puisque cela lui permet de se faire réélire. Elle serait bien bête de mener des politiques sociales intelligentes.
Le clientélisme, ça marche : les gens se font avoir et en sont heureux. Cette opération en est une triste démonstration.

Avec Christophe Grébert et Jérémie LAMOTHE