Combattre les violences et la discrimination à l’égard des femmes

A l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, quelques chiffres suffisent à témoigner à quel point les initiatives de prévention dans ce domaine, trop souvent sous estimé voire tabou, sont encore insuffisantes tandis que les actes de violence restent bien souvent impunis.

Cent vingt et une femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint en 2013, selon une étude parue le 6 mai 2014 : : « Ça s’installe petit à petit, c’est tellement progressif qu’on l’accepte. Ça commence par des gestes brusques, des mots plus hauts. On ne frappe pas quelqu’un sans violence psychologique derrière. On ne peut pas directement attraper l’autre et lui donner un coup de poing, sinon on s’enfuirait. Ça nous rendrait service! »

Qu’on en juge : en 2013, 43 % des femmes ont vécu une certaine forme de violence psychologique perpétrée par un(e) partenaire actuel(le) ou ancien(ne) telle que l’humiliation en public, l’interdiction de sortie ou la séquestration, l’obligation de regarder du matériel pornographique, et des menaces de violence. 20 % des jeunes femmes (18-29 ans) ont été victimes de « cyberharcèlement ». 11 % ont ainsi reçu des avances déplacées sur les réseaux sociaux ou des courriels ou textos (SMS) à caractère sexuellement explicite. Et pourtant le droit des femmes à vivre à l’abri de la violence est censé être défendu par des accords internationaux tels que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) et la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de la violence contre les femmes de 1993.

Il convient également de rappeler que la violence à l’égard des femmes ne touche pas seulement celles-ci, mais se répercute chaque jour sur l’ensemble la société. C’est pourquoi nous appelons non seulement les pouvoirs publics à agir davantage et plus vite pour lutter contre cette violence mais aussi les employeurs, les professionnels de la santé sans oublier les fournisseurs de services Internet. Seule la mise en oeuvre rapide de mesures exhaustives permettra de prévenir et de combattre cette violence qui perdure.

16 jours pour agir contre la violence envers les femmes

A partir de ce mardi 25 novembre 2014, les sympathisants d’Amnesty International participent aux Seize jours d’action contre la violence liée au genre, durant lesquels des personnes du monde entier s’unissent pour combattre les violences et la discrimination à l’égard des femmes et des filles, notamment les violations de leurs droits sexuels et reproductifs.

Cette campagne, qui se déroule du 25 novembre au 10 décembre 2014, vise à célébrer les héros –les défenseurs des droits des femmes– du monde entier qui luttent contre la discrimination et appellent les gouvernements à prévenir la discrimination et la violence à l’égard des femmes et des filles, à enquêter sur les cas qui se produisent et à en poursuivre les auteurs.

Discrimination systématique fondée sur le genre

«Les violences liées au genre et les restrictions pesant sur les droits sexuels et reproductifs des femmes et des filles ont la même origine: une discrimination systématique fondée sur le genre, ancrée dans des structures patriarcales qui contrôlent les choix et les libertés des femmes et des filles», a déclaré Lucy Freeman, directrice du programme Genre, sexualité et identité d’Amnesty International.

«Souvent, ces comportements discriminatoires réduisent à néant les droits des femmes et des filles, par exemple dans les enquêtes sur des viols ou d’autres formes de violences sexuelles ou liées au genre, et sont utilisés par les auteurs de ces violences pour justifier leurs actes.»

Dans le cadre des Seize jours d’action, Amnesty International met l’accent sur cinq actions régionales de solidarité:

Égypte

Une lettre va être envoyée au président pour demander que les autorités égyptiennes mettent en œuvre une stratégie de lutte contre les violences sexuelles et la discrimination, en étroite collaboration avec les groupes de défense des droits des femmes. Aujourd’hui, les femmes égyptiennes sont confrontées à une véritable épidémie de violence et de discrimination; plus de 99 % d’entre elles déclarent avoir déjà été victimes de harcèlement sexuel et 47 % d’une forme quelconque de violence domestique.

Salvador

Des signatures vont être recueillies sur une pétition adressée au président pour demander la fin de l’interdiction totale de l’avortement. Au Salvador, les femmes et les jeunes filles qui avortent sont en infraction, tout comme quiconque les aide à avorter. Celles qui sont reconnues coupables d’avoir interrompu leur grossesse risquent jusqu’à huit ans de prison, et celles qui font une fausse couche peuvent être soupçonnées d’avoir avorté clandestinement et inculpées d’homicide avec circonstances aggravantes, une infraction pour laquelle elles encourent jusqu’à 50 ans d’emprisonnement.

Maghreb

Une action de solidarité va être menée en direction des femmes et les filles victimes de violences sexuelles et de violences liées au genre, ainsi que des organisations qui les soutiennent, dans les pays du Maghreb (Algérie, Maroc/Sahara occidental et Tunisie). Dans ces pays, la définition juridique du viol n’est pas conforme aux normes internationales. Les lois actuelles, discriminatoires, entraînent la stigmatisation des victimes de viol et les dissuadent de porter plainte par crainte d’être elles-mêmes l’objet de poursuites dans le cas où leur allégation de viol serait contestée.

Conseil de l’Europe

Des lettres vont être envoyées aux gouvernements européens pour les exhorter à signer, ratifier et mettre en œuvre dans les plus brefs délais la Convention d’Istanbul –le premier traité européen traitant spécifiquement des violences faites aux femmes et aux filles et de la violence domestique. Les pays qui ont déjà ratifié cette Convention doivent s’engager à fournir les moyens nécessaires pour qu’elle soit pleinement mise en œuvre.

Afrique du Sud

Dans le cadre du Marathon des lettres annuel d’Amnesty International, du 3 au 17 décembre 2014, de nombreuses personnes vont écrire aux autorités sud-africaines pour leur exprimer leur préoccupation à propos des obstacles rencontrés par les femmes enceintes en matière d’accès à la santé maternelle dans les zones rurales du pays, et en particulier dans la municipalité de Mkhondo (province du Mpumalanga).

Défendre des droits sexuels et reproductifs des femmes

«Les préjugés discriminatoires liés au genre, et en particulier les moyens mis en œuvre pour encadrer la sexualité des femmes et des filles, sont fréquemment invoqués par les auteurs de violences liées au genre pour justifier leurs actes», a déclaré Lucy Freeman.

«Par ces actions de solidarité dans le cadre des Seize jours d’action, nous voulons donner aux femmes et aux filles les moyens de revendiquer et d’exercer leurs droits sexuels et reproductifs, de vivre sans avoir à subir de discrimination, de contrainte ni de violence, et d’échapper aux restrictions imposées par la société sur la base de préjugés néfastes.»

Amnesty International participe aux Seize jours d’action dans le cadre de sa campagne mondiale Mon corps, mes droits, qui vise à mettre un terme au contrôle et à la criminalisation de la sexualité et de la procréation par les autorités et d’autres acteurs. L’objectif de cette campagne est d’obtenir des changements dans la vie des gens dans plusieurs pays en 2014 et 2015, en rappelant aux dirigeants mondiaux qu’ils ont l’obligation de respecter, protéger et mettre en œuvre les droits sexuels et reproductifs.

Avec Francetv info et Amnesty International