Début novembre, l’ex-présidente d‘Act Up Laure Pora a été condamnée en appel pour avoir placardé en août 2013, avec d’autres militants de l’association, des affichettes portant notamment le logo de la Manif pour Tous, barré de la mention « homophobes », sur la façade de la fondation Jérôme-Lejeune (qui ne fait pas qu’investir ses dons et legs défiscalisés contre l’avortement) et dont Ludovine de la Rochère était salariée.
« Il nous faut dénoncer cette injure très grave que nous subissons depuis des années », affirmait alors la présidente du mouvement, se félicitant d’une décision de justice honorant « la liberté d’expression », « un progrès de la démocratie ». La Manif pour tous « n’a jamais proféré d’insultes homophobes. » Elle a assigné à son tour ce 22 novembre Act Up pour « diffamation ».
De multiples dérapages verbaux de ses responsables et sympathisants ont toutefois été constatés dans les manifestations. Des comportements « scandaleux » que Ludovine de la Rochère dit condamner.
Malgré l’adoption de la loi Taubira, qui a depuis permis la célébration de plus de 25.000 mariages de même sexe, la Manif pour Tous exige encore « l’abrogation » du texte, à l’encontre de « la famille naturelle », dite traditionnelle.
« Refuser l’égalité devant le mariage ou la filiation » constitue « sans aucun doute » une « discrimination » et « on peut montrer en quoi il est homophobe d’exclure les homosexuels des institutions qu’on estime sacrées », remarque auprès de l’AFP Eric Fassin, professeur de sciences politiques et auteur de « l’inversion de la question homosexuelle ».
En condamnant Act Up pour injure à l’encontre de la MPT, la cour d’appel de Paris a selon lui rendu un jugement « politique », car il « autorise un mouvement à imposer la manière dont on parle de lui ».
« Homophobe est un qualificatif », qui a « un sens objectif, comme sexiste ou raciste », note Laurence Rosier, linguiste belge spécialiste de l’injure, surprise par la décision française.
« Quand on tient des propos sexistes, il n’y a pas forcément d’insultes comme ‘connasse’ ou ‘salope’. Et on peut être raciste en disant bien autre chose que ‘sale noir’. Il en va de même pour les propos homophobes », analyse-t-elle.
Condamnée pour injure à 800 euros d’amende et autant de dommages et intérêts, l’ex-présidente d’Act Up Laure Pora, qui devra également s’acquitter de 1.500 euros pour les frais de justice, a annoncé s’être pourvue en cassation.
« Des associations réactionnaires ont réussi à retourner le sens des mots et leur usage », s’indigne-t-elle.
« Comment faut-il designer ceux et celles dont les paroles et les actions s’opposent régulièrement à tout ce qui pourrait servir à l’émancipation des personnes LGBT ? », s’interroge de son côté Act Up, « privé » d’un moyen de « dénoncer les discours politiques » de ses « adversaires ». Quand la discrimination porte sur une différence d’accès à des droits, en fonction de l’orientation sexuelle, c’est de l’homophobie.
En février 2014, le sénateur PS Jean-Pierre Michel, rapporteur de la loi Taubira, avait estimé La Manif pour tous coupable de « la pire des homophobies ». Assigné pour diffamation, il l’avait emporté en première instance et en appel.
Créée en 1989, deux après son modèle américain, indépendante, Act Up-Paris fonctionne principalement en opérant la mise en scène d’événements, à la construction de symboles et à leur communication, pour alerter les médias, faire pression sur les personnalités politiques, et améliorer l’image et la prise en charge des malades.
Si vous considérez également, et par expérience, que LMPT est bien un rassemblement qui aura notamment motivé l’explosion ces dernières années des violences LGBTphobes, il convient de rejoindre la mobilisation. Act Up manque de soutien, de bénévoles, et surtout de dons pour se défendre, promouvoir et mener ses actions de lutte et prévention.