Comment les anti-mariage pour tous tentent (encore) d’exister politiquement

Six mois après l’adoption de la loi autorisant les couples homos à se marier, les opposants ne désarment pas et mettent une pression particulière sur l’UMP, à l’approche des élections municipales et européennes.

« On ne lâche rien, jamais, jamais, jamais ! » Un slogan et une promesse des anti-mariage pour tous plus que jamais d’actualité. Six mois après l’adoption de la loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, le collectif de la Manif pour tous multiplie les actions tous azimuts. Avec deux objectifs majeurs : pérenniser le mouvement né il y a un an et imposer ses idées sur le terrain politique.

Dernier exemple en date, une virulente lettre ouverte adressée à Jean-François Copé. Publiée lundi 21 octobre par Le Parisien (article payant), la missive est un avertissement à l’égard du patron de l’UMP. Ludovine de La Rochère, présidente de la Manif pour tous, ne digère pas les propos du député-maire de Meaux lors de son passage dans l’émission « Des paroles et des actes », le 10 octobre. « Je n’ai jamais eu d’opposition d’aucune sorte à l’idée du mariage homosexuel. La meilleure preuve, c’est que j’ai défendu l’union civique », a-t-il déclaré. Avant d’ajouter : « Pour moi, le sujet n’était pas l’union civique ou le mariage, mais l’adoption (…) La notion d’altérité, de père et de mère est une question structurante pour l’éducation des enfants. Pour le mariage, je n’ai, comme d’ailleurs personne parmi les Français, d’objection de fond. »

« Les citoyens électeurs sauront se souvenir de ce reniement »

« Un reniement en bonne et due forme », juge la présidente de la Manif pour tous, qui « pren[d] acte, tout comme les millions de Français qui, tout au long du débat sur l’adoption de la loi Taubira, ont explicitement manifesté contre le principe même de ce ‘mariage' ». Puis, Ludovine de La Rochère se fait cinglante : « C’est votre parfaite liberté de vous déjuger ainsi aujourd’hui. Tout comme c’est la nôtre de dire qu’il est bien difficile d’accorder sa confiance à un haut responsable politique qui peut ainsi radicalement changer de position sans autre raison apparente que de vouloir plaire à une infime minorité de personnes au prix, de facto, de son propre électorat. »

Alors que Jean-François Copé a défilé contre le mariage pour tous en janvier 2013, la présidente de la Manif pour tous se fait menaçante, à seulement cinq mois des municipales. « Vous comprendrez dès lors que sans un rappel précis, sincère et explicite de votre plein engagement à nos côtés contre le mariage pour tous (…), les millions de manifestants, citoyens électeurs, sauront se souvenir de ce reniement le moment venu. » Peser sur les futures échéances électorales et, si besoin, présenter ses propres candidats : la menace de la Manif pour tous, qui prétend pourtant être une « organisation apolitique », est à peine voilée.

Signe de l’intérêt qu’il porte au dossier, Jean-François Copé a répondu dans la journée. Dans une lettre adressée à Ludovine de La Rochère, il assure que son engagement à ses côtés avait été « motivé non pas par la possibilité d’une union entre personnes de même sexe, mais par l’ouverture à tous de l’adoption, des bouleversements en matière de filiation, et des questions éthiques concernant la PMA et la GPA ». Et le patron de l’UMP de regretter le « ton comminatoire » de la lettre qui lui a été envoyée.

Un courant à l’UMP et une occupation du terrain

Autre façon de peser sur l’UMP : la création d’une association politique au sein même du parti, baptisée « Sens commun ». Cinq personnalités issues de la Manif pour tous en sont à l’initiative, rapporte Le Point. Agés de 24 à 40 ans, ils estiment que l’UMP est leur « famille politique naturelle » et veulent « faire basculer les rapports de force internes ». Ces militants souhaitent « restaurer le mariage homme-femme » mais ne s’arrêtent pas là. Ils espèrent peser sur l’élaboration du programme de l’UMP et aborder également les questions d’emploi, d’économie, d’écologie… « Dans tous les lieux de notre vie collective, nous avons trop souvent choisi de nier le réel pour mieux imposer la satisfaction de nos intérêts immédiats, individuels ou sectoriels », expliquent-ils dans la charte de leur courant.

Et malgré le récent rejet par le Conseil constitutionnel de la « clause de conscience » pour les maires qui refuseraient de marier deux homosexuels, ultime revers à l’endroit des opposants à la loi, la Manif pour tous lance également différentes opérations afin d’occuper le terrain. Organisation d’un « Grenelle de la famille » pour contrecarrer le futur projet de loi du ministère de la Famille, création de « comités de vigilance » destinés à « contrer l’introduction de la théorie du genre » à l’école…  La Manif pour tous brandit aussi la menace de redescendre dans la rue, « en particulier en cas d’offensive des partisans d’une ouverture de la PMA aux couples de femmes, à l’occasion, par exemple, d’un amendement au projet de loi sur la famille », explique La Croix.

La branche radicale, toujours présente

Moins active que la Manif pour tous, la branche radicale des anti-mariage pour tous ne s’est pas pour autant dissoute. Des militants du Printemps français (proche de l’extrême droite et des milieux catholiques traditionalistes) continuent d’organiser des « comités d’accueil », parfois d’accompagner de militants de la Manif pour tous lors des déplacements en région des ministres ou du président de la République. Les Hommen (proches du Printemps français) ont eux organisé une courte action le 18 octobre, pour « rhabiller les Femen« .

Enfin, plusieurs centaines de militants de Civitas, fer de lance des intégristes catholiques nationalistes, ont défilé le 20 octobre à Paris contre l' »antichristianisme » et la « politique anti-familiale » du gouvernement, prenant Pierre Bergé pour cible. Preuve, une nouvelle fois, qu’ils ne « lâchent rien, jamais, jamais, jamais ».

Par Vincent Daniel