Le 10 décembre 2015, six étudiants ont été condamnés « pour homosexualité » par le tribunal de première instance de Kairouan à 3 ans de prison et à un bannissement de la ville d’une durée de 5 ans. Jihed (le prénom a été modifié) est l’une de ces victimes. Il a raconté à Shams, principale association de défense des droits des LGBT en Tunisie, les conditions de son arrestation, après que les policiers aient découvert une vidéo porno gay sur un ordinateur, lors de la perquisition de leur foyer universitaire, et… ce qui a suivi.
Au lendemain de son arrestation, il a refusé de subir le toucher rectal, ordonné par la justice pour prouver qu’il a subi une pénétration anale et, par conséquent, son homosexualité : « J’ai alors été roué de coup et torturé physiquement et mentalement. J’ai fini par accepter », raconte ce jeune homme de 19 ans. Il n’oubliera pas non plus les mots utilisés par le médecin, avant de procéder à l’examen : « Baisse-toi comme si tu allais faire la prière ».
Mais, si la maison d’arrêt est une sorte « de tombe collective », poursuit l’étudiant, « la prison fut encore plus cruelle ».
« Dans la cellule, le calvaire a commencé dès la première minute. D’abord par les agents pénitentiaires, qui nous ont battus et laissé dormir à même le sol, sans rien, sur un sol humide et glacial… Le lendemain, les agents nous ont emmené chez le barbier. Ils nous ont rasé la tête tout en nous frappant et nous insultant… Je suis malade et j’ai un traitement à prendre au quotidien. Chaque jour, en m’accompagnant pour la prise, l’agent me harcelait, s’adonnait à des attouchements et me frappait sur des parties sensibles. Bien sûr, les agents ont ébruité la raison de notre arrestation. Nous sommes devenus la risée de la cellule, où se trouvaient plus de 190 détenus. Beaucoup d’entre eux nous ont également battu, tripoté… Ils nous frappaient pour qu’on danse. Ils nous posaient des questions très intimes. Si on répondait, on se faisant tabasser. Et, si on ne répondait pas, on nous frappait aussi », sous le regard des matons, qui n’hésitaient pas à participer.
« Pour se divertir, ils nous appelaient pour nous passer à tabac : coups de pied, de poing, avec des bâtons… Ils nous obligeaient à nous agenouiller, nous insultaient ou nous suspendaient pour nous faire subir la torture par l’eau. Ils ne nous relâchaient que lorsque nous étions à bout » se souvient encore le jeune homme.
Leur détention s’est transformée en une lutte féroce contre des tortionnaires bourreaux, des violeurs. Ils ont été privés de sommeil et « après deux semaines d’horreur et de torture, j’ai pris les médicaments d’un autre prisonnier souffrant d’un problème de glycémie, parce que je voulais me suicider : j’ai haï la vie, j’ai perdu espoir, je ne pouvais ni dormir, ni vivre. Même la nourriture et les vêtements que nous ramenaient nos proches étaient confisqués. Même la nourriture et les vêtements que nous ramenaient nos proches étaient confisqués. Après ma sortie de prison, je ne veux et ne peux plus vivre. Cloitré dans ma chambre, je ne parviens plus à communiquer avec ma famille. Mes études sont foutues, ma vie est foutue. Mon pays m’a détruit, m’a oppressé et m’a totalement brisé ! »