«J’ai grandi dans une famille catholique relativement conservatrice. Toute conversation sur la sexualité était taboue. C’est donc seul que je me suis lancé dans l’exploration et la compréhension de mes désirs. J’avais 14 ans. Je ne savais pas où j’allais, je savais juste que je voulais y aller. Il n’était alors ni question d’orientation sexuelle ni de pratiques X, Y ou Z. Seules mes sensations me guidaient. Une nouvelle érotique établit les bases de mon imaginaire de jeune homme sexué: une femme orientale jouant avec les hommes à l’aide d’un objet en bois autant pour leur jouissance anale que pour sa propre quête de domination. Mes indéniables émois me permirent alors d’identifier, et ce pour la première fois, un ravissement que je voulais à tout prix explorer. La question était comment?
Une forme longue et arrondie, autrement dit: parfaite.
L’opportunité se présenta quelques mois plus tard. Mon oncle fumait un cigare et mon regard se porta tout sauf innocemment sur l’étui en métal à ses côtés. Une forme longue et arrondie: autrement dit, parfaite. Discrètement, je la lui dérobai le soir même. Jamais une douche n’eut de saveur telle. Je compris à cet instant qu’il m’était impossible de concevoir mon épanouissement sexuel sans ces sensations nouvelles. Je ne doutai cependant pas de mon hétérosexualité. J’aimais les femmes, leur corps, leur sensibilité. Il me fallut toutefois attendre plus de 15 ans pour enfin pouvoir vivre cette expérience ouvertement avec une femme. Je constatai en effet très rapidement que l’expression complète de ma sexualité était bien moins évidente que je ne l’imaginais. Trop de préjugés, de peurs et d’incompréhensions.
Une femme, cependant, accueillit mes désirs. J’avais 30 ans. Une relation basée sur l’expérience et l’ouverture. Pour la première fois, grâce à la confiance et à l’amour de ma partenaire, je découvris la relation sexuelle avec un homme, aussi bien la pénétration que la fellation. Je crois qu’il est difficile d’exprimer l’intensité du plaisir que je ressentis. Il n’était pas simple, pour autant, de transcender la barrière physique avec un autre homme. Pourtant, là encore, mon orientation sexuelle ne fut guère troublée. La féminité était indispensable à mon équilibre physique, intellectuel, spirituel et émotionnel.
Associer mes désirs de féminité et de sexe anal reste compliqué hélas, encore aujourd’hui. Les mœurs n’évoluent pas. Il y a tout d’abord l’énorme tabou social autour de cette pratique chez les hétéros. Un homme aimant les femmes ne peut soi disant pas pratiquer la sodomie, même à l’aide d’un gode, du moins ouvertement, sans craindre pour la perception sociale de son orientation sexuelle.
Le traumatisme du thermomètre ou du suppositoire dans le cul, il faut passer outre!
Un homme hétéro ne veut pas être perçu comme gay. Le problème ne s’arrête pas là. En effet, la femme joue un rôle essentiel dans la déformation de la réalité sexuelle hétéro. Trop nombreuses sont celles qui attendent de l’homme qu’il incarne l’archétype mâle, protecteur et viril. Les femmes réclament un homme, un vrai, pas un homo. Ces mots me révoltent autant qu’ils me blessent tant en mon nom qu’en celui des homosexuels. En quoi un homme qui ouvertement assume une sexualité complète, une sensibilité à la fois masculine et féminine, qu’il soit hétéro ou homo, est-il moins homme qu’un hétéro limité par ses peurs et celles du jugement des autres? Je crois au contraire que l’homme, le vrai, est celui qui exprime sa nature profonde, sans limites sociales ou religieuses, marquées par l’intolérance et une stigmatisation aussi malsaine que réductrice. Et puis le traumatisme du thermomètre ou du suppositoire dans le cul, il faut passer outre!
Comment ma sexualité s’exprime- t-elle alors aujourd’hui? De façon dite plus classique avec une femme d’une part, et dans le partage avec ladite femme du plaisir anal avec les accessoires appropriés. En outre, mon plaisir solitaire est forcément multiple puisque lui aussi est empreint de cette variété. Mais ne vous méprenez pas, j’aime la femme dans tout ce qu’elle représente. La femme participe précisément à l’intégration et à la réalisation absolue de ce que je suis! La question, c’est d’être conscient et d’assumer qui l’on est au fond. Je m’appelle Eric, j’ai 36 ans, j’aime les femmes et le sexe anal.»