Pour comprendre cette lettre : il s’agit d’avoir lu l’article paru le 1er août 2015 dans le journal 360° : « Devant un public ravi, l’Evêque évoque la mise à mort des homo »
Salut Vitus,
Tu permets qu’on se tutoie, hein ?
Tu vois, je recommence cette lettre depuis quelques minutes, parce que tout ce qui me vient à l’esprit, pour le moment, c’est des insultes pas très jolies à voir, et bon, écrire une lettre à quelqu’un pour l’insulter, c’est un peu cheap, quand même, non ? Du moins, je n’ai pas envie de m’abaisser à ça, même si de fait, tu sembles souhaiter ma mort, et celle de mes semblables, et que bon, je pense que ça justifierait probablement que je t’envoie une petite bordée d’insultes, tu ne crois pas ?
J’ai découvert dans le journal 360° le contenu de ta prise de parole à Fulda, en Allemagne, sur le sujet, semblerait-il, d’une éventuelle ouverture du mariage aux couples homosexuels.
Tu as dit (je te cite, hein), citant un passage de l’Ancien Testament, «Si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils commettent tous deux une abomination. Ils seront punis de mort, leur sang retombera sur eux».
Que te dire, Vitus ? Comment te parler un langage que tu puisses comprendre, tout enfermé que tu es derrière tes préjugés, t’appuyant sur des textes qui commencent à quelque peu dater pour SOUHAITER NOTRE, ET DONC MA, AU PASSAGE, FOUTUE MORT.
Hum. Je m’emporte en majuscules, tu vois ? Faut comprendre, Vitus : c’est pas très agréable de constater, une fois de plus, que aujourd’hui, en 2015, on en est encore à voir des gens appeler au meurtre homophobe en s’appuyant sur des textes vieux de plusieurs siècles, sans avoir une once de recul historique, sans remettre le moins du monde les mots dans un contexte…
Tu sais… Tu diras surement que tes propos n’étaient que métaphoriques, que tu ne cautionnes pas le meurtre… Et bon, à la limite je veux bien le croire, allez, je veux bien faire l’effort de te croire.
Mais rappelle toi que ce que tu dis, c’est écouté, et retransmis à d’autres. Que la haine, c’est comme un virus : ça se transmet remarquablement bien. Et que si toi tu n’as développé qu’une forme moins virulente de ce virus, qui ne va pas te pousser à prendre réellement un flingue et tirer sur un homo « au nom de la colère divine », il y a des gens qui développeront des formes plus virulentes, plus directement dangereuses, plus meurtrières.
Dois-je te rappeler, Vitus, que les meurtres homophobes existent ?
Que pas plus tard que jeudi dernier, à Jérusalem, un mec s’est appuyé sur exactement les mêmes versets de la Bible pour poignarder 6 personnes lors de la Pride ?
Dois-je te rappeler que des personnes comme toi, « haineux mais pas trop », elles nourrissent la haine de personnes qui ne se contentent pas d’être haineuses avec leurs mots ?
Dois-je te rappeler le taux de suicide parmi les jeunes LGBT ?
Ah merde, j’avais oublié, le suicide aussi c’est un péché, excuse moi ce manque de culture, Vitus… Doublement pécheurs, ces gamins, hein, Vitus ?
Dois-je te rappeler que à cause de propos comme les tiens, des familles qui croient aveuglément à ce que disent « d’éminents membres du clergé » comme toi, Vitus, rejettent leur enfant ? Ou leur font entamer des thérapies pour les « soigner » de leur « déviance », en piétinant leur identité sous des pseudo prétextes thérapeutiques ?
Comment est-ce que tu vas faire, Vitus, si au prochain meurtre homophobe en Suisse (parce qu’il n’y a pas besoin d’aller en chercher à Jérusalem, hein, ça arrive chez nous aussi), le meurtrier te cite comme référence ?
« C’est pas ma faute monsieur le Juge, c’est parce que Dieu dit que les homosexuels doivent être punis de mort et le sang retomber sur eux. D’ailleurs, mon pote Vitus il l’a dit dans un discours, c’est que ça doit être vrai hein ? »
Tu te sens capable de regarder la famille de la victime dans les yeux, et de dire que tu n’y es pour rien ?
Tu sais… Je ne suis pas croyante, mais j’ai grandi dans une famille protestante. J’ai une culture religieuse. Basique, hein, elle n’arrive surement pas à la cheville de la tienne… Mais il y a une phrase qui m’a marqué dans la Bible, une phrase que j’aime bien en fait. « Tu aimeras ton prochain comme toi-même »
Je ne vois pas, ici, de liste d’exceptions, de « prochain qu’on peut ne pas aimer ».
Je ne vois pas de mention de « les homosexuels ne sont pas ton prochain ».
Alors j’en déduis qu’on est ton prochain, aussi.
Ben tu sais, Vitus… Si c’est comme ça que tu aimes ton prochain, tu ne dois pas beaucoup t’aimer toi-même, hein.
Tu sais, elle fait mal, ta haine.
Elle fait mal, ouais.
Ça fait mal de voir qu’on n’est pas vraiment des humain, pour des mecs comme toi. Que c’est pas très grave si on nous tue, que c’est pas très grave si on ne refuse le droit tout bête, qui devrait pourtant juste aller de soi, d’être nous-même et d’aimer qui bon nous semble.
Mais tu sais, Vitus, même si ta haine fait mal, et que tu nous la fous dans la gueule comme si on n’étais pas humains, comme si on était des monstres tous justes bon à subir la colère divine… On ne changera pas, tu sais ? Et on continueras à nous battre pour nos droits, et pour le respect. Quoi que vous en pensiez, toi et les autres personnes qui, comme toi, utilisent la religion comme cache misère à leur haine.
Allez, salut Vitus. J’espère qu’un jour tu remarqueras qu’on est en 2015, et que le Moyen-Age est fini depuis quelques années, quand même…