Défi à l’égard du régime comme des rebelles, le magazine online fédère chaque mois des milliers de gays et lesbiennes syriens. Une nécessité, selon son initiateur.
En plein conflit qui aurait déjà fait, en deux ans, près de 100’000 morts, n’y a-t-il rien de mieux à faire que de publier un magazine gay? Mahmoud Hassino en est persuadé. Depuis l’automne dernier, cet exilé publie «Mawaleh», le premier mensuel LGBT du pays. Disponible uniquement en ligne, il est lu par plusieurs milliers de lecteurs chaque mois. «Les gays doivent hisser leur drapeau, montrer les uns aux autres qu’ils ne sont pas seuls, qu’ils appartiennent aussi à la société syrienne», explique-t-il à Sonja Zekri, du quotidien suisse alémanique «Tages-Anzeiger».
Panique
Mawaleh signifie «noix» en arabe, un produit dont raffolent les syriens sous ses différentes formes: pistaches, cajou, amandes… C’est aussi un hommage à un art de vivre perdu: celui d’un pays multiculturel et multicolore. Certes, la Syrie d’Assad n’a jamais été un paradis pour les homos. «Ils étaient tout juste tolérés, rappelle Hassino. Les gens se retrouvaient dans des cafés et des soirées privées». Il y a deux ans, au début de l’insurrection, le régime avait mené des raids contre une scène LGBT devenue trop visible au goût du pouvoir. Il estime qu’à Damas, les gays et les lesbiennes étaient environ 2000. «Mais maintenant ils sont tous paniqués, parce qu’avec la chute du pouvoir, les islamistes pourraient arriver au pouvoir. Mais quelle que soit l’issue des hostilités, ils vont nous massacrer.»
Félicitations
«Mawaleh», paraît en deux éditions, une arabe et une anglaise. Bien entendu, la guerre y tient une large place: comme ce récit de la capture d’un gay par les rebelles de l’Armée syrienne libre, à Alep, obligé de livrer des noms. Mais on retrouve aussi au sommaire des sujets plus universels: double vie, coming-out ou «thérapies» forcées, au sein des familles ou dans les églises. Les auteurs, des Syriens anonymes et bénévoles, «s’opposent au régime et à la société, ils s’opposent aux traditions, à la guerre, au régime autocratique et aux armés des deux camps», précise Hassino. «Un des combattants m’a félicité pour le journal. Je lui ai dit: qu’est-ce que tu fais avec les religieux? Ils vont te tuer. Mais il m’a répondu qu’il se battait d’abord contre Assad.»
» Le dernier numéro de «Mawaleh».
source:http://360.ch/