Selon l’organisation « Campaign for Southern Equality », onze comtés parmi les soixante sept que compte l’Alabama, un État situé dans le sud profond et conservateur des États-Unis, ont procédé à la fermeture de leurs bureaux de licences, pour ne pas devoir autoriser de « mariage homosexuel ».
Quelques mois après sa légalisation sur tout le territoire en juin 2015, Valerie Bradford Davis, juge testamentaire du comté de Clarke, dans le sud-ouest de l’État, n’a d’ailleurs plus délivré aucune autorisation. Et toute personne souhaitant entreprendre les démarches nécessaires pour se marier doit se rendre dans un autre comté. La magistrate estime que les collègues de la Haute Cour « ont privé les États et leur population du droit de définir le mariage comme une union entre un homme et une femme, comme ils l’ont fait pendant des centaines d’années. » Une déclaration qu’elle a même accroché sur la porte de son tribunal, appelant « Dieu a avoir pitié du pays, de ses fonctionnaires et de son peuple. »
Renne Luker, secrétaire du bureau de la juge, se dit « étonnée d’avoir constaté si peu de plaintes suite à cette suspension ». Sur son comptoir se trouve un crucifix. Cinq à dix licences étaient émises chaque mois. Elle affirme toutefois ne connaître aucun couple homosexuel désirant se marier, notamment à Grove Hill, capitale du comté.
Toutes les personnes interrogées dans le centre de ce village de 1500 habitants ont en outre affirmé leur opposition au mariage des couples de même sexe de manière unanime. « Je crois en ce que dit la Bible », explique Linda Litman, une femme de 52 ans qui travaille en tant qu’employée administrative au tribunal. « Pour moi, il n’y a aucune différence entre l’homosexualité, le mensonge ou le vol. C’est un péché comme les autres », ajoute-t-elle après avoir précisé qu’elle n’avait vu aucun homosexuel dans le comté. Il y a sept églises aux alentours du centre du village.
Mais en Alabama, la difficulté ne se limite pas aux comtés. Roy Moore, le président de la Cour suprême de l’État, a été suspendu vendredi pour violation éthique. En janvier, il a exhorté les comtés à refuser d’accorder des licences aux couples du même sexe.
La fracture sociale entre les États du sud, le gouvernement et la justice fédérale n’a rien de nouveau. Elle s’est formée dans les années soixante en Alabama justement, rappelle le TGD, alors que le gouverneur du l’État plaidait pour le maintien de la ségrégation raciale. Pour certains, comme le président Barack Obama, la lutte pour les droits homosexuels est ainsi comparable à la lutte pour les droits civiques menée par les Noirs il y a cinquante ans. Mais Mary Jackson, une femme noire de 62 ans qui travaille dans une boutique d’art à Grove Hill, considère que cette comparaison « ne tient pas compte du contexte ». « Je suis tout à fait convaincue que [le mariage homosexuel] est une abomination vis à vis de Dieu », affirme-t-elle.